Les Palestiniens noirs, un peuple au carrefour des luttes et des discriminations
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Rendus invisibles par le conflit israélo-palestinien, les Palestiniens noirs sont un ensemble d’habitants musulmans de la Palestine originaires d’Afrique sub-saharienne via différentes vagues d’immigration et de déportation.

Le grand public est de plus en plus exposé à l’existence de Juifs noirs israéliens, notamment des Beta Israel ou Falashas originaires d’Ethiopie.

Toutefois, à l’instar de la vie des Palestiniens qui constitue la face cachée de l’état d’Israel, la minorité noire palestinienne reste quasiment inconnue du grand public. Mais qui sont ces Palestiniens noirs, également appelés Afro-Palestiniens?

Les origines

La présence de Noirs en Arabie et au Moyen Orient en général depuis des millénaires est évidente au vu de la proximité et les échanges commerciaux et de populations entre cette région et l’Afrique de l’est. Toutefois, rien n’atteste que cette présence noire soit de manière significative à l’origine du phénotype de la communauté palestinienne noire actuelle.

Il est revanche mieux établi qu’à partir du 13ème siècle de notre ère, sous la domination mamelouke puis ottomane de Jerusalem, des esclaves noirs étaient affectés à la surveillance des lieux saints de l’Islam, dont la mosquée al-Aqsa de Jerusalem.

Dans l’accomplissement de cette tâche, ils étaient fortement respectés par le reste de la communauté, malgré leur statut d’esclave. Des descendants de ces gardiens, fortement mélangés avec des migrants africains noirs arrivés plus tard continuaient à vivre dans des bâtiments du 13ème siècle menant à la mosquée al-Aqsa.

Après la proclamation de l’Etat d’Israel en 1948, l’institution de l’esclavage, en même temps que les structures de la société palestinienne traditionnelle se dissout progressivement. Entre temps, durant la période du mandat britannique de la fin du 19ème siècle et 1948, des pèlerins originaires du Sénégal, du Tchad, du Nigéria et du Soudan s’étaient installés à Jérusalem, se mêlant, voire absorbant quelques membres de la population noire historique de la ville. D’autres Africains arrivèrent comme volontaires dans l’armée de libération arabe qui mena la guerre contre l’Etat d’Israel fraîchement créé.

Au moins jusque dans les années 90, les Noirs Palestiniens vivant dans la bande de Gaza et dans le désert de Negev étaient principalement des descendants d’esclaves africains de Bédouins, provenant, pour beaucoup du Soudan ou de la Corne de l’Afrique. Leurs ancêtres vivaient dans une société très stratifiée et discriminatoire à l’endroit des Noirs . Après 1948, comme à Jerusalem, l’institution de l’esclavage se fissura, favorisant par là les mariages mixtes.

Auto-définition

La plupart des Noirs palestiniens ressentent un fort attachement à l’identité palestinienne et se considèrent plus volontiers comme des Palestiniens plutôt que des Africains, a fortiori puisque le lien historique est pour certains, totalement rompu. D’autres, particulièrement les descendants de pèlerins du Sahel ou de la République du Soudan arrivés au vingtième siècle, ont encore un lien au moins nominal avec les régions d’origine de leurs parents ou de leurs grands-parents. A Gaza et dans le Negev, les hommes palestiniens noirs s’appelaient encore au moins jusqu’à la fin des années 1990 ‘Khali’ (littéralement ‘mon frère issu de ma mère’), un terme aux connotations proches de celles du ‘brotha’ afro-américain et qui s’applique à tous les Noirs du monde, à l’exclusion des Beta Israel, associés à l’Etat d’Israel. Dans la langue arabe locale, les Noirs Palestiniens utilisent le terme sumr ‘marron’ pour désigner leur couleur de peau. Ce terme est préféré à celui de sawd ‘noir’, qui porte avec lui la connotation négative de la couleur noire dans le monde arabe et encore plus à celui de abed, qui signifie ‘noir’ dans l’ensemble du monde arabe, mais dont le premier sens, aujourd’hui indistinguable du second, est ‘esclave’.

Cette usage du mot arabe sumr au détriment de abd et sawd est similaire à celui des Arabes soudanais. Toutefois, il semble que les Noirs Palestiniens fassent usage de cette terminologie pour résister à l’usage discriminant de la langue qu’en font leurs compatriotes blancs qui les appellent ‘abd’. En revanche, les Arabes soudanais semblent davantage utiliser cette terminologie pour se distinguer des Sud-Soudanais et autres Africains noirs du continent auxquels ils refusent de s’identifier. L’usage du terme affectif Khali pour s’adresser aux autres Noirs par les Palestiniens noirs semble confirmer cette différence.

Discriminations

Les Palestiniens noirs souffrent parfois du racisme de la part de leurs compatriotes blancs, non seulement par l’usage contre leur gré du terme abd à leur endroit, mais également par d’autres qualificatifs comme ‘chocolat’, ‘Africains’, ou des refus de mariage mixtes de la part de familles blanches. Pour la plupart des Palestiniens noirs toutefois, l’oppression vient largement davantage de l’occupant israélien contre qui ils ont joué un grand rôle. Durant l’Intifada, des Palestiniens noirs ont par exemple rapporté un épisode durant lequel « Les Israéliens ont arrêté tous les hommes âgés entre 10 et 45 ans, les ont insulté et leur disant « Vous êtes Africains, vous n’avez rien à voir avec la Palestine ». Ce phénotype différent des Palestiniens noirs est souvent utilisés par des extrémistes israéliens pour décrédibiliser les revendications d’autochtonie des Palestiniens.

Les Palestiniens noirs sont souvent utilisés par la propagande extrémiste israélienne pour souligner le racisme des Palestiniens et leur caractère allochtone aux territoires qu’ils occupent

Certains Palestiniens noirs font aussi référence à l’usage récurrent de l’insulte israélienne kushi (=~négro) pour les désigner. Les Palestiniens noirs font donc face à davantage encore de difficultés dans la lutte de résistance contre l’occupation israélienne. Ils en sont toutefois, comme on l’a dit, parmi les plus fervents acteurs. La première prisonnière politique palestinienne est par exemple Fatima Barnawi, une Palestinienne noire d’ascendance Nigériane mais née à Jérusalem.

Elle avait été emprisonnée pour avoir planifié un attentat à la bombe manqué dans un cinéma de Jérusalem. Aujourd’hui, dans la ville sainte des religions abrahamiques, la jeunesse palestinienne noire, qui vit sous le contrôle et les provocations des patrouilles israéliennes évolue progressivement vers l’éducation un moyen alternatif à la violence pour accomplir la libération de son peuple.

Ruaa, une jeune Palestinienne souhaite donner des cours aux jeunes Palestiniens pour leur expliquer comment réagir au comportement des patrouilles israéliennes de Jerusalem-Est. Crédit photo : Jaclynn Ashly/Al Jazeera

Pour en savoir plus
Susan Beckerleg / The Past and Present of African Palestinians in Kwesi Kwaa Prah (éd.), Reflections on Arab-led Slavery of Africans (une version plus courte du texte est aussi disponible ici sous un autre titre)
http://www.dailymail.co.uk/wires/ap/article-4112034/Afro-Palestinians-forge-unique-identity-Israel.html
http://www.aljazeera.com/indepth/features/2017/03/afro-palestinians-talk-heritage-resistance-170329072425883.html

http://www.frontpagemag.com/point/209861/10000-black-palestinians-struggle-racism-gaza-daniel-greenfield

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