La vision politique de Guillaume Soro : esquisse de notre espérance générationn
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Dans le concert des hommes politiques de ce temps, il n’est jamais hors de propos de savoir séparer les vessies des lanternes. Dans la prétention à gérer les affaires publiques, les humains ont toujours brillé par leurs ambitions, même si très peu d’entre eux brillent par leurs réalisations durables. Le bluff et l’imposture trompent les esprits superficiels. La transformation profonde des structures sociopolitiques défectueuses intéresse cependant les esprits profonds. Mieux encore, certains de ceux qu’on adule le sont souvent par ceux qui ignorent que les grandes réalisations résultent de synergies tractées par des figures centrales. Ces dernières, tant qu’elles gardent la tête sur les épaules, savent qu’elles ne seraient rien de ce qu’on adore aujourd’hui sans au moins trois facteurs : le courage d’entreprendre, le soutien des citoyens engagés et cette  divine baraka que Nicolas Machiavel nomme si astucieusement la fortune dans son célèbre ouvrage, Le Prince. On peut donc, regardant la scène politique ivoirienne actuelle, s’interroger sur les hommes et les femmes politiques qui l’occupent et se demander de quelle vision politique ils sont le nom. Mais je voudrais montrer dans les lignes qui suivent que celui qui se pose cette question à propos de Guillaume Kigbafori Soro, l’actuel Chef du Parlement Ivoirien, ne peut que faire mine d’ignorer les enseignements de son combat depuis le début des années 90 dans ce pays. Je voudrais ensuite montrer que celui qui croit Guillaume Soro sans vision politique confond sa propre cécité avec celle du Leader Générationnel, car les traces de son œuvre dans la reconfiguration du champ politique ivoirien sont irréfragables. Je voudrais enfin montrer que celui qui ignore la vision politique de Guillaume Soro s’est sans doute réfugié dans une tour d’ivoire, autrement il aurait lu et compris « Pourquoi je suis devenu un rebelle »(2005) et plus tard, la synthèse des idées fondamentales du soroisme que nous avons offerte dans « L’Orthodoxie du soroïsme »(2017).

Enseignements de l’Histoire de Guillaume Soro : un homme engagé contre l’injustice

            Guillaume Soro n’est pas entré dans le champ politique ivoirien par cooptation. Il est entré en politique pour combattre l’injustice. L’engagement premier de Guillaume Soro fut syndical. Syndiquer, ou se syndiquer, c’est entrer en symbiose avec des forces sociales désireuses d’accomplir un changement ou de préserver un idéal. L’entame de la politique par le syndicalisme indique dès lors, une saine compréhension de la notion politique de bien commun. Contrairement à bien des hommes et femmes politiques qui entrèrent dans le champ politique par les toits, Guillaume Soro est monté de la sève profonde du peuple. A moins de 20 ans, il était déjà au cœur des luttes des scolaires et étudiants de Côte d’Ivoire pour la reconnaissance de leurs franchises et l’amélioration de leurs conditions de vie. Il était déjà aux barricades, parmi les jeunes de son temps, pour hâter la restauration de la démocratie multipartite en Côte d’Ivoire. Et c’est en raison de la qualité de cet engagement primordial que Guillaume Soro se retrouve, en 1995, largement et indiscutablement élu à la tête de la plus puissante organisation de la jeunesse ivoirienne de son temps. Il y passera quatre années laborieuses de luttes : six emprisonnements, des grèves victorieuses, des négociations réussies avec le pouvoir Bédié et en 1997, l’élection comme l’homme de l’année en Côte d’Ivoire par la presse nationale.

            En 1998, Guillaume Soro prend acte de la complexification de la question politique nationale. Il prend radicalement conscience de la grande division qui pollue la Côte d’Ivoire d’alors. Il prend congé de la FESCI, gangrenée par les manœuvres des ivoiritaires de gauche, qui font chorus alors avec les ivoiritaires de droite. Un schisme identitaire traverse la nation ivoirienne. Il va couper en deux, toutes les organisations sociales, culturelles, économiques et politiques de la nation. En 1994, en effet, le parti de l’indépendance, le PDCI-RDA s’est divisé en deux, donnant naissance au RDR. A partir de 1998, le FPI se divise en deux, opposant désormais l’aile humaniste des Kotchy, Mémèl, Dacoury-Tabley, à l’aile national-chauviniste incarnée par les Gbagbo. L’Université nationale et ses organisations syndicales suivent la même logique, tout comme les forces armées et de police. Toute la société ivoirienne, et même parfois des familles et des couples ivoiriens, se fracturent autour de cette querelle identitaire pitoyable. C’est donc un pays au bord de l’implosion identitaire qui connaît le coup d’Etat du 24 décembre 1999. On croit y trouver une soupape d’oxygénation, une voie de sortie de crise. Erreur : la constitution de 2000 vient consacrer en son article 35, la discrimination intra-ivoirienne entre « Ivoiriens de souche multiséculaire » et « autres Ivoiriens ». Les intimidations, exclusions, brutalités policières et crimes qui s’en suivront, notamment avec l’outrage génocidaire d’octobre 2000, mettent alors Guillaume Soro et ses compagnons en demeure de choisir entre vivre dans l’indignité, vivre dans le péril pour ses valeurs ou s’exiler à jamais de leur patrie. Urge alors la nécessité de reconstruire une union ivoirienne plus parfaite.

            Lorsqu’il surgit en septembre 2002, à la tête d’un mouvement militaro-politique, le MPCI, qui affronte tragiquement le régime ivoiritaire le plus radical de l’histoire ivoirienne, Guillaume Soro est loin d’être un inconnu. De Diawala à Abidjan, du nord au sud, de l’est à l’ouest, sans oublier le centre de la Côte d’Ivoire, on connaît Guillaume Soro. On le connaît comme une conscience de sa génération, comme meneur d’hommes intrépide, comme fin négociateur et comme serviteur sacerdotal de son pays. Il n’est pas donné, en effet, au premier venu, de s’imposer parmi des militaires et devant des civils férus d’expériences de luttes diverses. Comme me l’ont personnellement assuré tous les chefs de la rébellion ivoirienne des années 2000 à 2007, c’est par sa capacité d’analyse stratégique, de dévouement pour ses hommes et son pays, de courage et de lucidité dans les rapports de force, de négociateur redoutable, que Guillaume Soro s’est imposé comme leader des Forces Nouvelles, après s’être imposé comme celui du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire. Notre livre à paraître bientôt sous le titre, Histoire et témoignages de la rébellion ivoirienne, montrera à suffisance comment le leadership militaro-politique de Guillaume Soro s’est construit sur des qualités intellectuelles et morales reconnues par tous – y compris ses pires adversaires, tel un Laurent Gbagbo – et non sur le prétendu opportunisme allégué par les sycophantes de la mémoire.

            C’est donc ce combat militaro-politique qui va déclencher les négociations de Lomé, Dakar, Accra, Rome, Paris-Marcoussis et finalement Ouagadougou en mars 2007, accouchant du nouveau contrat sociopolitique ivoirien en vigueur jusqu’à ce jour. Certains, prétendument analystes politiques au mépris des exigences minimales de l’art,  ignorent encore mordicus que c’est l’Accord Politique de Ouagadougou en 2007, entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, qui a tracé les grandes lignes de la naissance de la future 3ème république ivoirienne en 2016 ! Oui, que de manants, à la plume sous-informée, oublient encore allègrement que c’est cet Accord historique qui a posé les fonts baptismaux du nouveau contrat sociopolitique ivoirien !  Que dit ce contrat ? Que tous les Ivoiriens sont résolument égaux, sans considération de région, d’ethnie, de religion, de couleur ou d’origine. Que l’intérêt général de la Côte d’Ivoire passe désormais par le respect scrupuleux de ce principe d’inclusion, que la constitution de 2016 viendra du reste consacrer. Le nouveau contrat sociopolitique ivoirien prôné par Guillaume Soro prône en outre la sacralité de la paix juste, obtenue par l’inclusion de tous, et la nécessité, pour la fructifier, d’aller vers le pardon et la réconciliation de tous les Ivoiriens. N’est-ce pas précisément l’essence du Discours majeur du 3 avril 2016  à l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire ? On ne peut que s’étonner que ceux qui en connaissent le contenu s’interrogent encore sur la Côte d’Ivoire désirée par Guillaume Soro. Tous les sacrifices consentis par Guillaume Soro et ses compagnons de 2007 à ce mois de décembre 2017 ne peuvent se comprendre sans la prise de conscience de cette intentionnalité fondamentale de son engagement politique : mettre fin, sinon amenuiser l’injustice en Côte d’Ivoire. En effet, dans son ouvrage de 2005, prémonitoire et convaincu de cette dimension essentielle, Guillaume Soro écrivait déjà :

« J’ai pris les armes pour que mon pays retrouve son vrai visage : paix, liberté, prospérité. Le compte à rebours a commencé. Je suis convaincu que le développement de l’Afrique passe par l’union des Africains. Notre pays, qui rassemble une incroyable diversité d’ethnies et qui tire justement sa richesse de cette diversité, peut symboliser cette union mieux que tout autre. »[1]

            Il convient donc de prendre au sérieux la question de l’originalité idéologique de Guillaume Soro et de ses compagnons politiques dans les contextes ivoirien et africain ambiants. Un panorama de l’existant s’impose, afin de dresser le diaporama des idées du Che Bogota et leur spectre d’expansion continentale.

Les conceptions politiques en concurrence en Côte d’Ivoire et en Afrique francophone

            Une certaine lecture idéologique impatiente et imprudente de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique contemporaines veut qu’on doive assigner à chaque parti ou mouvement politiques une idéologie politique singulière. Cette lecture est paresseuse et simpliste, car elle ignore un fait massif : les partis politiques africains, comme ceux d’ailleurs ne naissent pas toujours ou uniquement de différends idéologiques. Ils sont bien souvent davantage l’expression d’ambitions personnelles ou de stratégies d’entrée dans le champ patrimonial public. Malgré les centaines de partis que comptent nos pays, il n’y a donc surtout pas des centaines d’idéologies et de visions politiques. Certains se contentent d’ailleurs de copier-coller les statuts d’un autre parti existant. Du coup, il faut prendre de la hauteur pour cerner les différences idéologiques en jeu. Loin d’être arithmétiques, elles sont géométriques. C’est par coupes transversales, à l’intérieur de nos partis politiques africains, qu’il faut procéder, pour détecter les vraies différences. Dans ce contexte où les pratiques démocratiques sont neuves et fragiles, les courants politiques internes à chaque parti africain sont de fait plus significatifs que les grandes lignes idéologiques que leurs textes fondamentaux affichent. C’est cette complexité qui échappera toujours aux analystes politiques à la petite semaine, qui s’imposent la tâche infâmante d’écrire à tout prix un article tous les jours, même s’il faudrait pour cela, écrire n’importe quoi. Schématiquement, on peut en réalité considérer que le champ politique ivoirien et plus largement, le champ politique d’Afrique francophone contemporaine, sont traversés par quatre grandes conceptions politiques qui se disséminent dans la quasi-totalité des organisations politiques du pays : le néolibéralisme  patrimonial; le nationalisme identitaire libéral; le nationalisme identitaire socialisant ; l’éco-démocratie socio-libérale.

Néolibéralisme patrimonial : un mal qui fait rage en Afrique

             La première conception, actuellement en vogue, considère que l’action publique consiste à établir l’autorité absolue d’un chef incontestable, considéré comme la lumière incarnée en tous domaines, auquel tous et chacun doivent faire confiance et abandonner leurs intelligences critiques. C’est du paternalisme politique, qui aboutit à la patrimonialisation des grandes administrations d’Etat et des positions stratégiques qu’elles confèrent. On s’installe au cœur de l’Etat avec sa famille. Et l’on prospère ostentatoirement au mépris des lois. Selon cette entente néolibérale, le gouvernant doit d’urgence obtenir des agrégats économiques louables selon les critères du FMI et de la Banque Mondiale ; il doit faire affluer, sous forme de crédits d’investissement et notamment de dettes colossales, des capitaux du monde entier vers son économie pour en financer les grands chantiers et relancer concomitamment l’emploi des nationaux. Le gouvernement néolibéral patrimonial a donc pour levier : l’autoritarisme, l’investissement public massif par la dette, le conformisme aveugle à l’idéologie dominante des grandes institutions financières de la planète. Les limites de cette conception sont évidentes : elle s’accompagne toujours d’un recul démocratique, avec des violations flagrantes des libertés fondamentales des peuples et citoyens africains, au nom de l’incontestabilité congénitale du phare autodésigné de la nation. Cette conception surendette en un temps record les pays africains et s’accompagne d’une gestion scandaleuse des biens publics, au mépris des normes de transparence et d’exemplarité. Cette conception livre davantage encore que par le passé, et avec un cynisme arrogant, l’Afrique au pouvoir absolu des puissances financières multinationales, et conforte le fatalisme des citoyens africains face à l’incapacité du politique à résorber réellement le chômage massif et persistant des jeunes, la violence politique, et la dévastation multiforme de nos espaces vitaux.

Le nationalisme identitaire de gauche sociolibérale

            C’est l’œuvre de la pseudo-gauche radicale africaine, déguisée en fer de lance de l’anticolonialisme. En réalité le nationalisme identitaire de gauche prend dans tous les pays d’Afrique francophone, le visage de l’ethnicisme d’Etat. Sous couvert de se mettre au service des vrais ressortissants de chaque nation, ce nationalisme est en réalité un national-socialisme à l’africaine. Il autorise l’exclusion du national par le national. De l’africain par l’africain. Il clive les sociétés africaines de l’intérieur, en proclamant vrais nationaux certains africains contre les autres. Le peuple du nationalisme identitaire de gauche étant divisé par un critère injuste, il ne déclenche donc pas le progrès social qui naîtrait de la prise de conscience des dominés contre les élites détentrices du Capital. Le nationalisme identitaire paralyse ainsi le génie de la diversité de chaque nation, l’empêchant de générer les productions intellectuelles, spirituelles, techniques et matérielles nécessaires à la victoire contre la misère du grand nombre, la violence identitaire et la courte vue des gouvernants chauvins. Or sa contradiction principale vient de la nécessité de commercer avec le monde réel pour se survivre. De fait, les sociolibéraux identitaires n’échappent pas plus que les patrimonialistes néolibéraux au diktat de l’économie-monde dominée par les multinationales étrangères et angélisées par les critères des grandes institutions financières qui chapeautent ce système d’accumulation.

Le nationalisme identitaire de la droite sociolibérale

            Dans tous les pays d’Afrique francophone, il existe des citoyens qui estiment que le développement d’une vraie économie libérale nationale passera nécessairement par une purification du fichier des citoyens nationaux, en vertu de l’opposition vrais nationaux/pseudo-nationaux. C’est en gérant le rapport au tout-monde entre vrais ressortissants du pays, croient ces nationalistes libéraux, que chacun de nos pays émergera des défis irrésolus qui l’enserrent. Or l’expérience a largement montré que cette conception est aussi appauvrissante que les précédentes. Aucune nation du monde ne se développe durablement sans l’intégration suffisante de sa diversité intérieure et sans cette nécessaire ouverture à l’étranger qui assure le partage constant d’une commune humanité universelle. Le libéralisme identitaire de droite se neutralise par la pratique de l’exclusion nationale et se discrédite dans sa quête de représentativité face au concert des grandes nations démocratiques. On ne peut négocier au mieux les intérêts de son pays dans l’économie-monde que si on fédère et rassemble au préalable l’essentiel des forces vives de ce pays.

            Qui ne convient donc point avec moi que le leader générationnel Guillaume Soro et ses compagnons de lutte ne se reconnaissent dans aucun des trois courants promoteurs d’injustices que nous venons d’examiner ? Point besoin de désigner les partis ou les mouvements, encore moins les têtes de proue qui incarnent ces trois mystifications majeures en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal, au Gabon, aux Congos, au Tchad, en Centrafrique, au Burkina Faso, au Niger, en Mauritanie, au Mali, en Guinée, etc. Tout bon analyste, tout bon lecteur des scènes politiques respectives de ces pays les reconnaîtra à leurs paroles, signes et pratiques.

            Il nous faut donc à présent caractériser schématiquement la conception politique que promeut Guillaume Soro. Nous nous sommes livrés, plus en détail, à cet exercice dans « L’Orthodoxie du Soroïsme ou les Idées fondamentales de Guillaume Soro »[2]. Qu’il plaise aux lectrices et lecteurs que nous procédions pour finir à un résumé de ce que nous appelons l’éco-démocratie sociolibérale de Guillaume Soro et de sa génération politique.

L’éco-démocratie sociolibérale : Guillaume Soro à la pointe du renouvellement démocratique africain

            L’expression d’éco-démocratie sociolibérale mérite d’être décortiquée. « Eco » ici est un diminutif d’écologie. Celle-ci désigne des réflexions et pratiques produites pour réaliser les conditions idéales d’épanouissement du vivant sur la terre. « Démocratie » ici veut dire participation transparente, inclusive et directe des citoyens à la délégation et à la critique de tous les pouvoirs comme on le voit par exemple à travers les Crushes Days en cours en Côte d'Ivoire à l'initiative de Guillaume Soro. Par « sociolibéralisme », nous entendons une économie de marché instruite autant des excès du productivisme de droite que de gauche. Ces productivismes ravageurs placent autant la production au-dessus de la solidarité humaine que l’exploitation de la nature au-dessus de la transmission raisonnée de la Vie. Il s’agit pour nous de mettre l’humain et le vivant au cœur de l’économie politique et non à sa périphérie. Notre conception du politique tire donc toutes les leçons conséquentes des errements du patrimonialisme néolibéral et des idéologies identitaires de gauche et de droite. Il y a ici, un nouveau rapport à la nature, un nouveau rapport à l’économie et un nouveau rapport à la chose politique. Je les commenterai à présent.

            Nous pensons avec Guillaume Soro, que le rapport des citoyens et peuples africains à la nature doit être éduqué et repensé, à l’aune de l’enseignement des sciences spirituelles, des sciences naturelles et des sciences humaines. La terre, l’eau, le ciel, les plantes, les animaux et les sociétés humaines doivent être mis dans une symbiose nouvelle, faite d’intelligence, d’affectivité et de prévention. L’Afrique, pensons-nous, à la suite d'un Amadou Hampâté Ba, d'un Jean-Marc Ela ou d'un Cheikh Anta Diop, est potentiellement riche de sa diversité naturelle et culturelle. Il nous appartient dès lors, par une politique de la nature et une politique de civilisation bien pensées, de valoriser et actualiser ce potentiel, dans le respect de la vie, de la dignité des personnes et de l’espérance des générations actuelles et futures. Pas de grande politique africaine sans une révolution écologique dès lors, qui passera entre autres, par la diversification agricole, la diversification énergétique, la maîtrise endogène de l’industrialisation,  la transformation des programmes d’enseignement au service de la prise de conscience écologique, le financement de la haute recherche scientifique, la construction de forces géostratégiques régionales et continentales,  et la promotion des cultures traditionnelles compatibles avec la pleine émergence de l’excellence des Africains.

            Nous pensons, avec Guillaume Soro, que l’ordre politique doit être inspiré par un attachement radical au principe de justice. Dans aucun pays africain, un africain ne doit être exclu, méprisé, ostracisé. L’inclusion citoyenne doit devenir la boussole de la politique continentale africaine. La pratique de la justice de proximité, avec toute personne humaine, nationale ou étrangère, présente sur le sol africain, doit être la marque déposée de l’humanisme africain dans le monde. C’est lorsque les sociétés africaines, les gouvernements et sociétés civiles africaines, les armées et police africaines, respecteront scrupuleusement les hommes, femmes et enfants vivant en Afrique, que l’image internationale de l’Homme Africain sera radicalement et positivement transformée pour les siècles des siècles. La loi et la force de la loi doivent être au service d’une justice politique inclusive, proactive, dynamique, flexible et compréhensive, pour l’accomplissement de cet idéal. Par conséquent, les constitutions africaines doivent être des modèles d’ouverture et d’humanité, et leur interprétation ne doit surtout jamais se faire au détriment de l’intérêt général et au mépris des promesses fondamentales.

            Nous pensons que l’économie politique nouvelle, dont l’Afrique a besoin, doit élaborer ses propres critères et normes d’appréciation. L’essor de ce continent passe par sa réforme du regard qu’il porte sur lui-même. Certes, les grands agrégats sacralisés par le discours néolibéral dominant ont leur part de pertinence. Mais à côté de la croissance, des PIB, PNB, etc. doivent désormais figurer des indices comme le bien-être écologique, l’indice des crédits d’investissement accordés aux entreprises africaines,  la qualité de la formation de base, le niveau de valorisation des traditions productives, la qualité du patrimoine culturel, l’évolution des inégalités sociales, la qualité de vie des prisons, des hôpitaux, des lieux éducatifs, des vieillards et des enfants, etc. Il y a à repenser le succès et l’échec socioéconomique africains en regard des attentes africaines et non en conformité avec les seuls formulaires de Bretton Woods, de Londres ou de Paris.  

            L’éco-démocratie sociolibérale sera dès lors l’invention de soi de l’Afrique de ce temps. Ni copie conforme, ni renonciation à l’exemplarité d’ailleurs, mais assomption critique de nous-mêmes, dans un monde où, selon le mot du Président Emmanuel Macron à Ouagadougou, l’Afrique sera « le continent central » de l’humanité.

[1] Pourquoi je suis devenu un rebelle, Paris, Hachette, 2005, p.157
[2] http://blogguillaumesoro.com/ebookspecialSOROversionfinal.pdf 

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