NGAOUNDÉRÉ/GAROUA : Une course d’obstacles sur du bitume
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En prenant la route de Garoua ce 13 août, les passagers du premier bus de la journée de cette agence de voyages, sont tout sourire. Dans le véhicule qui les transporte pour la capitale de la région du Nord Cameroun, l’ambiance est bon enfant. Le chauffeur se laisse même entrainer dans les causeries des autres passagers. Tout va bien pour le moment. Le bus est parti de l’agence de voyage à 7h30. On évolue vers Dang, le campus estudiantin.

A l’entrée de l’université, c’est le premier hic. La route est couverte de nids de poules à n’en plus finir. Les véhicules qui vont et viennent évitent les malheureuses couches de bitume qui restent encore fixées sur la terre, et se ruent vers l’espace non bitumé, en éparpillant le goudron versé par l’entreprise tchadienne, chargée de réhabiliter ce tronçon. «Depuis deux mois, on ne voit personne ici, aucun engin », déclare un étudiant de l’université de Ngaoundéré en partance pour Garoua. Du coup, au passage des véhicules, les pierres se logent dans les fissures créées par l’érosion.

Quelques mètres après l’entrée de l’université de Ngaoundéré, la route est fluide. Aucun nid de poule à l’horizon. Les chauffeurs des différents véhicules en profitent pour rouler à tombeau ouvert. Même au niveau de la falaise où, la route serpentée, nécessite davantage de précaution et de précision pour ne pas tomber nez à nez avec un véhicule venant en sens inverse. Conscient, le chauffeur du bus roule à 10 parfois 5 km, l’heure.

«Avec les différents virages, il serait imprudent d’aller vite. Connaissant les risques, il faut être inconséquent de rouler comme un fou », analyse le chauffeur du Bus. A la fin de la falaise, on entame la route qui va à Mbe. La traversée de cette petite localité se fait avec un peu de célérité. Car le bitume posé sur cette partie de la nationale numéro un est plus ou moins encore en état. Après Mbe, commence le chemin de croix. Le parcours du combattant. Pour les personnes qui empruntent cette route pour la première fois, les interrogations fusent de partout. «Pourquoi avez-vous changé votre manière de conduire», «que se passe-t-il», «y a-t-il un problème sur la route», «pourquoi le véhicule fait des zigzags sur le route».

CONCOURS DE PATIENCE

Les questions qui s’enchainent sont adressées aux voisins, habitués de la route. «C’est à cause du mauvais état de la route que le véhicule zigzague. La route est jonchée des nids de poules et des pieds d’éléphants. Le chauffeur est obligé de rouler doucement et d’éviter les trous. Ce n’est que le début», répond un homme en boubou blanc, assis près de la fenêtre. Au passage du bus de 70 places, qui bascule au grès des trous, des déviations et des obstacles de la route, on aperçoit de vastes nués de fumée qui s’échappent des faîtes de cases en paille. Celles-ci, cernées de vastes champs de maïs, laissent entrevoir des enfants qui rangent des tubercules d’ignames dans des paniers.

Au fur et à mesure que le bus avance, en galopant, freinant, titubant, la savane s’offre. D’un côté comme de l’autre de la route, la savane est tantôt lisse, tantôt hirsute, avec des arbres aux branches difformes, avec toutefois un vert olive, qui attire, captive. Cette splendeur naturelle fait oublier un tant soit peu, le calvaire que subissent les roues du gros porteur, à cause des morceaux de bitume, rongé. Concentrés à contempler la nature, à compter les cases faites de chaumes, à noter les noms des villages, les passagers sont interrompus par la voix éthylique d’un homme qui fait le marketing d’un médicament soigne tout : les 13 villageoises.

«Les 13 villageoises, est un médicament qui soigne beaucoup de maladies. Il guérit la fièvre typhoïde, le panaris, la dysenterie amibienne. Il rend les femmes stériles fécondes et les hommes virils. Les personnes qui souffrent de gingivite, peuvent le prendre. En pharmacie les 13 villageoises coûtent 3.500 FCfa. Mais comme nous sommes en promotion, nous le vendons 2.000 FCfa. Et comme je vous aime beaucoup et que je veux vous aider, je laisse un tube à 1.500 FCfa. Mais celui qui veut deux tubes, je l’ai lui laisse à 1.500 FCfa», explique le pharmacien traditionnel. Les passagers qui l’écoutent restent muets. Apparemment surpris, le toubib revient à la charge, avec des arguments plus convaincants.

«Je sais que les périodes sont difficiles. C’est la raison pour laquelle je vous laisse le tube à 1.000 FCfa. Qui a 1.000 FCfa pour un tube», interroge le vendeur. Et là, des doigts se lèvent, les affaires sont conclues. Entre-temps, le gros porteur a eu le temps de traverser Gouna, Njola, Djalingo, Sanguare-Ngal, Limfila, Kate, Ngong, Rhabinga, Lenawa, Nelibi, Ndora, Ouro- Youtou, Djabbama, Djakaro, kate, Bocki, Bandakali…A l’entrée du parc national de la Benoué, le véhicule s’arrête. Le pharmacien descend. A 500 mètres de là, le bus prend une route connexe, non bitumée et recouverte de pierre. La route principale étant bloquée par un Caterpillar. Du petit bus, on aperçoit une grande crevasse, qui a coupé la route. «C’est ainsi depuis presque un mois », informe un passager qui aurait échappé à l’incident.

«C’était un vendredi, nous venions à peine de traverser cette zone lorsque nous avons entendu un grand bruit. Le chauffeur arrêté le véhicule. Et tous les passagers sont descendus voir ce qui se passe. Il était 16h30. Quand nous sommes arrivés, nous avons découvert que la route venait de se couper. Dans le bus tout le monde s’est souvenu de l’incident d’Eséka», raconte-t-il. Les autres passagers qui sont toute ouïe, l’écoutent religieusement. «Cette route est tellement dégradée, qu’il faut s’armer de beaucoup de patience pour supporter le voyage. Je suis surpris qu’on n’enregistre pas d’accidents de circulation sur cet axe. C’est Dieu qui nous protège», ajoute-til, en se couchant pratiquement sur son voisin ; ceci à cause des déviations du véhicule. Dans le bus. C’est le calme plat. La fatigue se fait parfois ressentir par le bâillement de quelques passagers. Parti à 7h30, le bus entre progressivement à Garoua. Il est 12h45. L’arrivée à l’agence se fait 15 minutes plus tard. A 13 heures. Le bus partant de Ngaoundéré pour Garoua aura mis 5h30, pour 275 kilomètres.  

2 MILLIARD 736 MILLIONS DE FCFA

Construite en 1974 par plusieurs entreprises étrangères dont une italienne, Cogefar, et l’entreprise Razel, les travaux avaient duré trois ans », apprend-on au ministère des Travaux publics. 29 ans après la construction de la route Ngaoundéré-Garoua, elle a déjà été réhabilitée plusieurs fois. Et en trois phases. «La première phase a eu lieu en 2003, la deuxième en 2004 et la troisième en 2005», explique notre source du Mintp. Les trois phases de l’entretien ont coûté 2milliard. 700 millions de Fcfa (900 millions de Fcfa par an). Les travaux eux, ont été exécutés par une entreprise camerounaise appelée MAG. En plus des trois réhabilitations, l’entreprise Dragages est revenue effectuer de nouveaux travaux, sur une partie de cette route.

Elle a travaillé sur les 25 premiers kilomètres en partant de Ngaoundéré pour Garoua, ceci depuis 2012. «La réception des travaux qui était prévue pour 2015, a été reportée au 22 septembre 2016», apprend-on à la délégation régionale des Travaux publics de l’Adamaoua. Le coût des derniers travaux est estimé à 24 millions de Fcfa. En plus des travaux de Dragages, une entreprise chinoise a effectué des aménagements au niveau de la falaise, pendant un an. En 14 ans, la réhabilitation de la nationale numéro 1 aura coûté à l’Etat 2 milliard 736 millions de FCfa. 

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