Cameroun: Le grand bêtisier de la crise anglophone
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Cameroun: Le Grand Bêtisier De La Crise Anglophone :: Cameroon

Petit florilège des déclarations, postures et attitudes de certains acteurs sur la crise sociopolitique qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis un an

Paul Atanga Nji: Le néo-négationniste

Il avait été l’une des premières personnalités de la République originaires de la partie anglophone du pays, à prendre publiquement la parole au sujet des manifestations sur fond de revendications des avocats, puis des Anglophones en octobre 2016. Du haut de sa posture de ministre chargé de mission à la présidence de la République et surtout de secrétaire permanent du Conseil national de sécurité - et donc disposant d’un certain niveau d’information -, il rejette la thèse d’une marginalisation sous quelque forme que ce soit des Camerounais natifs des régions sus citées. Tout au contraire, il a cet argument : « Je dirais plutôt preuve à l’appui que le chef de l’Etat, S.E. Paul Biya, a toujours accordé aux Anglophones un traitement préférentiel. Je suis surpris de ce débat qui n’a pas de sens ». Pour ce haut commis de l’Etat, « aucun homme de bon sens ne peut prendre ces avocats au sérieux », et il est plus qu’évident que « les Anglophones occupent les postes les plus importants au Cameroun. Le directeur général du Trésor et le directeur général des Douanes sont tous originaires du Nord-Ouest. Le Premier ministre chef du gouvernement, le secrétaire permanent du Conseil national de sécurité, le directeur de la Sécurité présidentielle, le président d’Elecam (Elections Cameroon, Ndlr), le président de la Commission nationale des droits de l’Homme, le président du Conseil national de la communication sont tous des Anglophones », défend-t-il. Seulement, il ajoute n’être pas opposé à la création par le chef de l’Etat, d’un comité en charge de réexaminer les problèmes soulevés par les enseignants et les avocats. Les historiens retiendront que cette sortie de Paul Atanga Nji n’aura en rien contribué à apaiser les esprits.

Par Jean De Dieu Bidias

Ayuk Julius Tabe: Le président sans République

C’est un bien curieux personnage qui a débarqué le 17 septembre dernier à l’aéroport de Washington aux Etats unis. Ayuk Julius Tabe, « chairman du conseil gouvernemental du Southern Cameroon » cumulativement avec ses fonctions de « président de la République d’Ambazonie » - Etat chimérique sensée naître de la réunion des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest -, a été accueilli par des sympathisants qui lui donne du « Son Excellence». Après le bouquet de fleurs, le « président de l’Ambazonie » va prendre place dans une limousine flanquée de fanions aux couleurs de son pays. Direction, New York où il espère prendre la parole à la tribune de l’Onu, à la faveur de la 72ème Assemblée générale de cette organisation. Sauf que sur la First Avenue, le long de l'East River, siège des Nations unies, aucune bannière étoilée représentant la « république d’Ambazonie » ne flotte.

Mais Ayuk Julius Tabe est de ceux qui prennent leur rôle très au sérieux et le chairman du gouvernement fantôme de cette République tout aussi fantôme, va tout de même prendre la parole… dans une rue de New York. Ceci, après le discours du pré- sident Paul Biya à la tribune de l’Onu. Dans son bagou devant ses partisans, il va dénoncer « la complicité des Nations unies » avec le gouvernement camerounais contre son peuple.

Celui qui écume les chancelleries à travers le monde en quête de reconnaissance, est un ancien d’Eneo, la société de production et de distribution de l’énergie électrique. L’ingénieur informaticien qui a effectué la majeure partie de ses études à l’étranger, a été l’un des directeurs régionaux de cette entreprise. Ayuk Julius Tabe dirige sa république à travers des vidéos postées sur le net.

Par Ludovic Amara

Laurent Esso: Le justicier du déni

La crise anglophone prend une forme mena- çante en octobre 2016, avec les avocats d’expression anglaise qui désertent les prétoires et colonisent la rue. La faute d’après eux, au gouvernement qui reste sourd à leurs revendications. La plus importante étant l’absence d’une version en Anglais de la loi Ohada. Le gouvernement est représenté ici par le ministre d’Etat, ministre de la Justice, garde des Sceaux qui au début de la crise, faisait partie de ceux qui ont nié l’existence d’un problème anglophone. Une partie de l’opinion reproche à Laurent Esso, principal négociateur avec les « robes noires », de n’avoir pas cerné le problème comme il faut et de n’avoir pas su apaiser les esprits durant les négociations.

En novembre 2016, à l’occasion d’une conférence de presse, Laurent Esso est aux côtés du ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary. Alors que de simples revendications corporatistes prennent la tournure de revendications sociopolitiques qui embrasent très vite les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les deux hommes rejettent presqu’en chœur l’idée d’un « problème anglophone ». « Est-ce qu’il faut vraiment que la culture des autres, les langues des autres, nous empêchent d’être Camerounais, de trouver nous-mêmes notre propre voie. (…) Trouvons la voie qui nous permette d’être Camerounais. Pas francophone, ni anglophone, ni germanophone. Soyons Camerounais et posons les problèmes des Camerounais ». Tel est le plaidoyer du garde des Sceaux. La rue continue malheureusement de gronder et les tentatives du ministre de la Justice de rattraper le coup vont rester vaines. La présentation en mars 2017 des mesures prises par le gouvernement pour désamorcer la crise ne portera pas les fruits escomptés. Envoyé en mission d’explication à l’étranger, le message de Laurent Esso sera brouillé en Belgique par des manifestants appelant désormais à la sécession.

Par Lucien Bodo

Tapang Ivo Tanku: Le général sans galons

Il ne se fait pas appeler moins que « général », et signe tous ses ordres d’un « général Ivo » plein d’autorité. Loin d’être un proche, ou même un camarade d’armes du général de division Ivo Desancio Yenwo, Directeur de la sécurité présidentielle, le « général Ivo » est en fait journaliste de formation, ancien de la Cameroon Radio Television (Crtv). Sorti de l’anonymat à la faveur de l’arrestation des leaders du Consortium, qui lui auraient transmis la direction intérimaire de ce mouvement, Tapang Ivo Tanku est installé aux Etats-unis où il a son Qg et d’où il dirige « son armée ». Généralissime autoproclamé de la « république d’Ambazonie », il est l’un des éléments les plus extrémistes du mouvement de contestation anglophone.

Sur sa page Facebook, le « général » envoie « ses troupes » casser et brûler écoles et autres édifices publics, commandite les kidnappings de préfets et sous-préfets en poste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, planifie les villes mortes, etc. Démagogue rusé, cet officier supérieur d’un autre genre a plusieurs fois annoncé la fourniture d’armes de dernière génération à ses troupes pour mener la guerre contre l’envahisseur venu de Yaoundé. Il y a deux jours, l’un des multiples comptes Facebook du « général Ivo » a été suspendu. Motif : le général ambazonien a publié le numéro de téléphone personnel du ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, avec pour consigne d’importuner au maximum ce membre du gouvernement.

Par Ludovic Amara

Issa Tchiroma Bakary: Le porte-parole repenti

La crise anglophone née dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et qui traverse désormais le pays, est de loin le principal sujet de préoccupation du ministre de la Communication (Mincom) ces derniers mois. Que ce soit sur les plateaux de télévision, dans le cadre des points de presse organisés ou de la communication gouvernementale, Issa Tchiroma Bakary, dans sa posture de porte-parole du gouvernement, n’est pas passé inaperçu.

Fin 2016, ses premières positions sur la question niaient l’existence d’un malaise sociopolitique dénommée « problème anglophone ». Des mois plus tard, alors que ses sorties n’ont pas contribué à apaiser les tensions, le ministre va finir par admettre que le malaise dans les régions dites anglophones existe bel et bien. « Au départ, je n’avais pas cette vision. C’était une vision qui était perçue à travers un prisme réducteur », a reconnu le 30 septembre dernier, Issa Tchiroma Bakary sur un plateau de télévision. Avant d’admettre, à demi-mot, les défaillances du gouvernement dans la gestion de cette crise. « Nous n’avons jamais prétendu que le gouvernement est parfait mais nous proclamons que le gouvernement est perfectible », s’est-il excusé.

En dépit de ce mea culpa sur la question, Issa Tchiroma Bakary n’a cessé de réitérer la position du gouvernement, qui rejette toute idée de partition du pays. Non sans rappeler aux Camerounais en général et aux sécessionnistes en particulier, le caractère un et indivisible du Cameroun.

Par Jean-Christophe Ongagna

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