L’Afrique face à la perspective d’un nouveau désordre mondial
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L’Afrique face à la perspective d’un nouveau désordre mondial :: AFRICA

La 72è Session Ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies qui s’est tenue en septembre dernier à New York est révélatrice d’un nouveau désordre mondial auquel seront confrontés dans la décennie à venir, les 197 pays de la planète.

Dans cette sombre perspective, les discours de Donald Trump et d’Emmanuel Macron illustrent bien chacun à sa manière, les incertitudes lourdes de dangers qui menacent la paix mondiale – si tenté qu’elle en fut intangible – et la précaire stabilité géopolitique maintenue jusque-là depuis 1945.

En effet, ces deux discours exposent deux visions diamétralement opposées : d’une part, l’unilatéralisme « America first » de Donald Trump et de l’autre, un plaidoyer pour le multilatéralisme « à géométrie variable » d’Emmanuel Macron sont, de mon point de vue, deux pièges tendus sur la planisphère des relations internationales.

« America first » de Donald Trump que beaucoup d’analystes qualifient de stupide mais surtout, de contraire aux intérêts fondamentaux autant économiques que géopolitiques des Etats-Unis, en voulant replier Amérique de l’ère Trump sur elle-même ! Contrairement à Barack Obama, l’un des meilleurs présidents que les Etats-Unis d’Amérique aient jamais eu (1), résumons brièvement « America first » de Trump. Au plan intérieur : diminution du rôle de Etat, suppression « d’Obama care », libération des pulsions racistes, construction de murs contre l’immigration etc. Au plan extérieur : annulation des accords de Paris sur le climat, celui avec l’Iran, ceux signés concernant la coopération entre les USA et ses principaux partenaires économiques. Ce qu’il faut savoir c’est que cette vision politique du président américain est soutenue par une majorité d’Américains blancs qui constituent son électorat.
Voyons maintenant en quoi consiste le multilatéralisme prôné par Emmanuel Macron à la tribune de l’ONU : « Mesdames et Messieurs, si mon pays aujourd'hui possède, dans l’ordre des Nations, cette place un peu singulière, cela lui confère une dette, une dette à l’égard de tous ceux qu’on a privés de leur voix. Et je sais que le devoir de la France est de parler pour ceux qu’on n’entend pas. Car parler pour eux, c’est aussi parler pour nous, aujourd’hui ou demain. Et en ce jour, ce sont ces voix oubliées que je veux porter.» Il poursuit plus loin : « Mais notre défi contemporain, celui de notre génération, c’est de savoir le refonder. C’est d’expliquer qu’aujourd’hui, dans le monde tel qu’il va, il n’ya rien de plus efficace que le multilatéralisme. Pourquoi ? Parce que tous nos défis sont mondiaux : le terrorisme, les migrations, le réchauffement climatique, la régulation du numérique, tout cela, nous ne les règlerons qu’à l’échelle de la planète, de manière multilatérale. A chaque fois que nous acceptons que ce ne soit pas le multilatéralisme, alors nous laissons la loi du plus fort l’emporter.

« Parce que, oui, mes amis, consacrer notre vision du monde, c’est par le multilatéralisme que nous pourrons le faire. Parce que cette vision est universelle. Elle n’est pas régionale. Parce qu’à chaque fois que nous avons cédé à certains qui disaient que la place de la femme, c’était l’affaire de quelques-uns, à un certain bout de la planète, mais pas des autres, que l’égalité entre les citoyens, c’était l’affaire d’une civilisation, mais pas d’une autre, nous avons abandonné ce qui nous a rassemblés ici, dans ce lieu, l’universalité de ces valeurs. Là aussi, nous avons cédé, dans certains pays, à la loi du plus fort.

« Parce qu’à chaque fois que les grandes puissances, assises à la table du Conseil de sécurité, ont cédé à la loi du plus fort, ont cédé à l’unilatéralisme, ont pu dénoncer des accords qu’elles avaient elles-mêmes signés, elles n’ont pas respecté le ciment du multilatéralisme qui est la règle du droit. C’est cela ce qui nous a fait, c’est cela qui construit la paix dans la durée.

« Alors oui, aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin du multilatéralisme, non pas parce que ce serait un mot confortable, non pas parce que ce serait en quelque sorte un refuge pour gens intelligents. Parce que le multilatéralisme, c’est la règle du droit, c’est l’échange entre les peuples, c’est l’égalité de chacune et chacun d’entre nous, c’est ce qui permet de construire la paix et de relever chacun de nos défis. »

Mais en même temps, la France maintient toujours des bases militaires au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, à Djibouti en plus des contingents des opérations de lutte contre le terrorisme au Mali, Niger, Tchad et RCA. Elle avait intervenu militairement il y six ans en Libye et en Côte d’Ivoire pour chasser du pouvoir Mouammar Kadhafi et Laurent Gbagbo. Ces compagnies multinationales exploitent en grande partie les gisements d’hydrocarbures au Gabon, au Congo Brazzaville, en Angola, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Nigeria etc, et siphonnent une partie importante des retombées économiques de 15 pays du continent noir par le biais du Franc CFA, une monnaie coloniale mise en place en 1945 par la France, puissance coloniale, fabriquée et gérée depuis lors par le Trésor français ; avec la complicité active des différents dirigeants politiques qui se succèdent au pouvoir depuis les indépendances des dits pays ! Ce qui a pour conséquence, l’appauvrissement de plus en plus grandissant des malheureuses populations locales. Sans compter l’alignement systématique de la diplomatie des pays francophones d’Afrique sur les positions françaises dans les enceintes internationales.

En fait, un multilatéralisme qui serait réservé aux grandes nations de l’hémisphère Nord et la Chine, qui placerait la France au centre du jeu, parlant aussi au nom de l’Afrique, pour le règlement des grands problèmes brûlants présents et à venir que sont la menace nucléaire de la Corée du nord, l’accès à l’arme nucléaire par l’Iran, le terrorisme, l’immigration, le changement climatique… mais aussi la puissance économique de la Chine de plus en plus prédatrice dans tous les continents.

Toutes ces questions constituent aujourd’hui de graves menaces pour la survie des peuples entiers partout dans le monde.

Prenons le cas de la menace nucléaire nord-coréenne : depuis la fin de la guerre de Corée en 1953 et la mise en place d’une zone tapon démilitarisée entre les deux Corées, une sorte de « modus vivendi » s’était installée entre les deux parties de la péninsule. Les tirs de missiles de Pyongyang rompt de facto ce relatif équilibre qui existait jusqu’alors dans cette partie du monde.

Quand Donald Trump dit à l’ONU que si « l’Amérique ou un de ses alliés dans la région (Corée du sud , Japon) subit une attaque de la part de la Corée du nord – un accident n’étant pas à exclure – les Etats-Unis n’auront d’autre choix que de détruire la Corée du nord » - rappelons-nous du « game is over » de George W. Bush avec le déclenchement de la guerre d’Irak, la chute de Saddam Hussein et la naissance plus tard de Daesh, l’escalade verbal – pour le moment – entre Donald Trump et Kim Il Jong Un ne peut qu’être inquiétant. Il peut se terminer au mieux par un dialogue si la Chine, soutien de la Corée du nord, seul pays à avoir les moyens de ramener le dirigeant nord-coréen à la raison, décide d’agir dans ce sens. Ou déboucher sur une crise majeure – voire un conflit – dont les conséquences tant au nord comme au sud de la péninsule, mais aussi au Japon et dans les pays de la sous-région ainsi que leurs ondes de choc sur l’ensemble de la planète sont pour le moment inconnus et imprévisibles.

Et l’Afrique dans tout ça ? En cela, le discours du président Macky Sall prononcé au cours de cette Session annuelle des Nations Unies est de mon sens, intéressant. Que dit-il ? : « Il est temps de ne plus considérer l’Afrique comme un continent du futur, qui se contente de promesses aléatoires que d’autres conçoivent, écrivent et interprètent à sa place. L’Afrique se veut partie prenante d’un présent qui tienne compte de ses intérêts et besoins d’émergence, par des partenariats rénovés et mutuellement avantageux.» Composée de 54 pays petits et moyens aux intérêts politiques et économiques hétéroclites, l’Afrique, en tant qu’entité divergente, ne peut compter que comme actrice négligeable. L’Union Africaine, compte tenu de son organisation actuelle, est une institution sans réel poids diplomatique sur la scène mondiale. Le continent noir est encore considéré par les puissances établies et émergeantes comme la Chine et l’Inde, au mieux, comme pourvoyeur de matières premières, un marché potentiel et gigantesque de consommateurs ; au pire, comme un champs clos de rivalités et de possessions économiques entre Chinois, Indiens, Turques et Arabes, mais aussi et encore Européens et Américains ; comme naguère il fut pourvoyeur d’esclaves il est aujourd’hui, celui d’une main-d’œuvre abondante et bon marché, d’une jeunesse fuyant au péril de leurs vies, une misère effroyable ; un ensemble territorial ravagé par une pauvreté endémique, conséquence directe de la mauvaise gouvernance des Etats.

Pour changer cet état de chose, les 54 pays du continent noir n’ont d’autre choix que de construire une véritable Union des Etats-Nations, qui met en place une organisation institutionnelle unissant toutes ses forces : politiques, diplomatiques, économiques, sociales et civilisationnelles.

On a pas besoin de grands analystes pour voir que l’Union Africaine telle qu’elle existe aujourd’hui, vidée de sa substance par des organisations sous-régionales qui lui font doublon dans plusieurs domaines – essentiels pour l’unité du continent –, affaiblissent son poids géopolitique et sa parole sur la scène mondiale.

de l’Afrique s’inscrit dans un impératif d’unité pour faire face aux défis tant intérieurs qu’extérieurs, présents et futurs : nourrir et donner du travail à 2 milliards d’habitants d’ici 2050 ; éradiquer le terrorisme islamiste et les pandémies comme le sida et le paludisme ; éduquer et former une jeunesse dynamique, fer de lance d’une Afrique en mutation ; instaurer des relations d’égalité avec le reste du monde, dans une coopération mutuellement bénéfique. Pour ce faire, le Continent a besoin d’avoir à la tête de ses pays, de nouveaux dirigeants, politiquement éclairés et panafricanistes, pour mener à bien des reformes véritablement révolutionnaires. Karl Max écrivait « qu’il n’y a pas de bonheur sans révoltes ». Révoltes contre des situations d’injustices et d’iniquités, de conditions de vie inacceptables. Encore faut-il en être conscient. C’est ce combat pour la conscientisation des jeunes et des peuples africains aux enjeux qui conditionnent l’avenir de notre Continent que nous essayons de mener au sein de l’Institut du Panafricanisme.
 
Lire l’article de Louis Balthazar sur le site cm24news.com
 
Par Sayë (Richard) MBOUMA KOHOMM
www.ipa-cause.org
www.cm24news.com

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