OPPORTUNISME : Comment le SDF récupère la crise anglophone
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Le principal parti d’opposition entend mettre à profit les revendications des populations du Nord-ouest et du Sudouest pour sortir de son apathie.

C’est le moment choisi pour notre liberté !» Cette exclamation d’un manifestant au cours des émeutes de Bamenda des 21 et 22 novembre 2016 semble être le leitmotiv du Social democratic front (SDF) tant son activisme autour de la crise anglophone n’a d’égal que l’abondante littérature qui l’accompagne. Avant la dernière actualité sur la demande de démission de Paul Biya jugé «incompétent» pour résoudre cette crise, le SDF, créé le 26 mai 1990 à Bamenda, avait déjà exigé «la libération des leaders anglophones, le retour au fédéralisme, la révision du système éducatif et du système judiciaire avec une attention particulière sur le Common law». 

Bien plus, «déçu par le silence du gouvernement», il avait créé en mai 2017 «une commission d’enquête sur les manifestations [dans ces deux Régions]». Convaincu de s’être découvert un nouveau cheval de bataille après des années d’aphonie et d’atonie, le SDF s’est mué en «défenseur de la cause anglophone». Toujours dans une logique de communiquer, et de communier, le jeudi 23 mars 2017, au Tribunal militaire de Yaoundé, le Chairman est allé manifester son soutien aux meneurs des manifestations de Bamenda et Buea accusés entre autres «d’atteinte aux agents publics de l’État, résistance collective, propagation de fausses nouvelles, sécession, guerre civile, hostilité contre la patrie, révolution». 

En intelligence avec ces accusés, le SDF juge «tardives et insuffisantes» les mesures gouvernementales prises depuis mars 2017. Et qui se résument en la «création d’une Commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme, de sections Common Law à la Cour suprême et à l’École nationale d’administration et de magistrature, le recrutement de magistrats anglophones et de 1000 enseignants bilingues, ou encore le rétablissement d’Internet après 92 jours d’interruption». 

CAMPAGNE

Même la campagne d’explication entamée il y a quelques jours par certains membres du gouvernement sur instruction du chef de l’État semble ne pas rencontrer l’assentiment de John Fru Ndi. Qui campe sur «la libération immédiate et sans condition des leaders de la contestation anglophone et le retour au fédéralisme». Pour justifier cette posture sur la forme constitutionnelle de l’État, des leaders du SDF rencontrés pensent que «le fédéralisme a toujours été au centre de nos revendications depuis sa création en 1990 car nous pensons que c’est le meilleur modèle développement social, économique et culturel. Le fédéralisme donne plus d’opportunités aux collectivités territoriales décentralisées dans la gestion de leurs propres affaires et leur destinée. Les États parmi les plus développés au monde comme les États-Unis, le Canada ou l’Allemagne pratiquent le fédéralisme.» 

Les mêmes rapportent que «la période de 1961 à 1972 correspond à l’âge d’or du développement du Sud-ouest du Nordouest». Pourtant, l’histoire renseigne que la question anglophone, antérieure à l’existence du SDF. Bien plus, dans son rapport n°250/Afrique du 02 août 2017 intitulé «Cameroun: la crise anglophone à la croisée des chemins», l’International Crisis Group (ICG), en indiquant que les indépendances et la réunification étaient «deux rêves dans un même lit», explique que «le processus ayant conduit à la réunification des deux Cameroun est le nœud du problème anglophone». 

Ni John Fru Ndi, 76 ans, ne peut donc pas l’ignorer. Il ne peut non plus feindre d’ignorer que, même si dans le Southern Cameroon, la majorité de la population aspire à l’indépendance, c’est le Royaume-Uni qui s’y oppose au motif que ce ne serait pas économiquement viable et qu’il faut éviter de créer des micro-États. Le colonisateur plaide cette thèse auprès de l’ONU qui limite alors le référendum à deux options : le rattachement du Southern Cameroons au Nigéria ou la réunification avec la République du Cameroun, excluant l’indépendance. 

RÉFÉRENDUM

Durant le référendum, Emmanuel Mbella Lifafa Endeley, le chef du Kamerun National Congress (KNC), souhaite le rattachement au Nigéria tandis que John Ngu Foncha, le chef du Kamerun National Democratic Party (KNDP), qui s’était retiré du KNC en 1955, Salomon Tandeng Muna et Augustine Ngom Jua militent pour la réunification avec la République du Cameroun qui l’emporte. 

On le voit donc, en réalité, les raisons invoquées aujourd’hui par le pouvoir de Yaoundé pour refuser d’entamer des discussions sur la forme constitutionnelle de l’État sont conformes aux volontés du Royaume-Uni qui avait hérité de la gestion du Cameroun méridional britannique (Southern Cameroon) et du Cameroun septentrional britannique (Northern Cameroon) à la fin de la première Guerre mondiale lorsque l’Allemagne la perd en même temps que ses colonies. Comme les élites politiques anglophones de l'époque, Endeley, Foncha, Tandeng Muna et Ngom Jua, qui avaient plaidé à l'ONU pour un État indépendant du Southern Cameroon, John Fru Ndi a saisi en avril 2017 la même instance pour réclamer un État fédéral. 

Plus de 50 ans après, sa position n’a pas changé sur la question. Bien plus, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l'Afrique centrale, François Louncény Fall, a été clair: «La remise en cause de la forme constitutionnelle de l'État camerounais ne relève pas de la responsabilité des Nations Unies». Après tant d’échecs, la sortie du SDF le 05 août 2017 apparaît comme une obstination en cette veille d’élections en 2018. A l’analyse, cette période semble favorable pour le parti de Ni John Fru Ndi qui souhaite occuper le champ politique pour ne pas continuer de sombrer dans la léthargie. Même s’il est conscient que le combat est perdu d’avance. Avec le risque de confirmer sa posture de «parti anglophone». Ce qui contribuerait à réduire davantage un électorat qui s’effrite au fil des élections.

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