Interdiction du forum international de la diaspora camerounaise : le Cameroun, le Burkina Faso et la Côte-d’Ivoire confirment leur statut de dictatures patentées
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La tenue d’un forum international de la diaspora camerounaise les 25, 26 et 27 mai 2017 à Ouagadougou au Burkina Faso n’était plus un secret pour personne. Elle ne relevait plus du secret des dieux.

L’information avait été publicisée, le manifeste publié et les préparatifs allaient bon train ces derniers temps pour la réussite de l’évènement. Mais voilà que soudain, contre toute attente, l’Etat burkinabè recule et refuse d’accueillir ce forum quelques jours avant le début des activités. 

Les informations glanées ici et là auprès les autorités burkinabè concordent sur le fait que l’interdiction du forum international de la diaspora camerounaise a été demandée et obtenue par le régime camerounais sous prétexte que ceux qui organisaient le forum de la diaspora n’était pas la vraie diaspora camerounaise et que la vraie diaspora camerounaise allait être reçue à Yaoundé au mois de juin par le gouvernement camerounais dans les cadres officiels de l’Etat camerounais. Il en résulte que le Burkina Faso qui, sans hésiter, a décidé d’interdire la tenue du forum international de la diaspora camerounaise sur son territoire, et le Cameroun qui a téléguidé ce refus de l’extérieur viennent, comme s’il en était encore besoin, de prouver aux yeux du monde entier leur statut de dictatures subsahariennes patentées. Seules des dictatures peuvent interdire la tenue d’un forum dont l’objectif déclaré est de discuter de l’alternance et de l’avenir politique d’un pays africain – ici le Cameroun – sans insulter qui que ce soit, sans violence aucune mais en s’occupant uniquement de ce qui regarde les organisateurs, c’est-à-dire l‘avenir de leur pays. Preuve en est ainsi faite, non seulement que parler de son pays est un crime de lèse-majesté au Cameroun et au Burkina Faso, mais aussi que les espoirs suscités par la révolution burkinabè sont vains car ce pays reste une dictature dont les alliances souterraines avec la dictature de Yaoundé se révèlent au grand jour par cette interdiction du forum international de la diaspora camerounaise. Le cas du Cameroun n’est même pas à commenter car un régime qui interdit un forum parce que celui-ci osera parler de l’avenir du pays après 34 ans d’un pouvoir sans partage, démontre, par cette combine et cette violence politique, qu’elle est sa vraie nature alors qu’il claironne avoir apporté la démocratie au Cameroun et aux Camerounais. C’est quoi la démocratie de Paul Biya si son pouvoir interdit un forum qui veut discuter de l’avenir du Cameroun ? Sont-ce uniquement les membres de la diaspora favorable au régime en place qui ont droit à la parole sous la démocratie de Biya ? Est-ce uniquement la version PRESBY et JACHABI de la diaspora camerounaise qui doit parler du Cameroun parce qu’elle ne sort pas des sentiers battus du régime de Yaoundé avec lequel elle ronronne ?

Et la Côte d’Ivoire alors ? Alassane Ouattara n’y avait-il pas installé une démocratie en boutant Gbagbo du pouvoir en 2010 ?

Face au refus des autorités burkinabè, la caravane du forum international de la diaspora camerounaise s’est reportée sur Abidjan en Côte-d’Ivoire afin d’organiser le forum les 26, 27 et 28 mai 2017. Cette option nous semblait plausible pour deux raisons fondamentales : Premièrement, certains des membres de la diaspora camerounaise militante et patriotique y résident. Et, deuxièmement, le régime de Ouattara/Sorro s’était vendu au Africains ces derniers temps comme un régime démocratique. Le moment était venu de tester ce discours exaltant la démocratie par une demande concrète impliquant sa mise en pratique.

En effet, depuis l’éviction de Laurent Gbagbo du pouvoir en 2010, le duo Alassane Ouattara/Guillaume Sorro se présente à l’Afrique et au monde comme étant l’incarnation de la démocratie en terre ivoirienne quand Laurent Gbagbo serait la dictature faite homme. La diaspora camerounaise indépendante et militante a donc pris ce régime au mot et a décidé de déporter son forum international de Ouagadougou pour Abidjan. Mais, à notre grande surprise, sur pression du régime camerounais, le régime ivoirien qui se dit démocratique vient aussi de refuser d’accueillir sur sa terre le forum international de la diaspora camerounaise. Il va donc sans dire, mais mieux en le disant, que le couple Ouattara/Sorro qui se targue de démocratie depuis 2010 n’est rien d’autre qu’un couple d’affabulateurs qui ne fait pas mieux que les pires dictatures que l’Afrique subsaharienne a déjà connues dans son histoire politique. Alors que Sorro est allé en RDC se déclarer héritier de Patrice Lumumba, qu’elle est la différence entre le régime Outtara/Sorro qui interdit un forum international de la diaspora camerounaise et celui de Mobutu qui, jadis, mit des étudiants en prison parce qu’ils osèrent organiser une grève ? Quelle est la différence entre le régime camerounais qui a reçu Guillaume Sorro en grande pompe et le régime ivoirien qui décide d’interdire un forum international de la diaspora camerounaise militante et patriotique que combat Yaoundé ? Comment peut-on se réclamer de Patrice Lumumba en interdisant à un groupe d’Africains de dire ce qu’il pense de son pays et de l’Afrique ?

Une seule chose fait l’identité remarquable de ces régimes, c’est la violence politique et la dictature politique comme structures matérielles et imaginaires de leur ADN profond.

En effet, en posant cet acte honteux et répugnant pour tous ceux qui considèrent la politique comme l’action pour l’intérêt général, les régimes burkinabè, camerounais et ivoirien montrent bien qu’ils sont des régimes contre l’intérêt général de l’Afrique, contre des regards alternatifs sur des pays africains, contre des idées innovantes, pour des intérêts privés et contre l’exercice des libertés individuelles et collectives. Ce sont des régimes qui privatisent l’espace public dans leurs pays et ne libèrent celui-ci que lorsque les voix qui parlent sont en concordance avec le discours officiel. Ce sont des régimes antidémocratiques au sens où ils criminalisent une diaspora camerounaise qui ne veut faire rien d’autre que discuter de son pays, de sa gouvernance et de son avenir. Ce sont des régimes rompus au statu quo françafricain qui maintient l’Afrique en général et nos pays respectifs en particulier dans le corset d’une Afrique sans alternance au pouvoir et sans mobilité sociopolitique dans les idées de gouvernance. La diaspora camerounaise et africaine est-elle utile uniquement lorsqu’elle fait des transferts de fonds qui atténuent les effets sociaux désastreux des dictatures subsahariennes ? Devient-elle criminelle lorsqu’elle a des idées sur l’Afrique et les pays africains ?

Avec des régimes comme ceux du Burkina Faso, du Cameroun et de Côte d’Ivoire, le modèle Emmanuel Macro est impossible en Afrique

Tous les présidents africains, sans exception aucune, notamment ceux dans l’ancien empire colonial français, ont félicité l’élection d’Emmanuel Macron, un président de 39 ans moins âgé que les fils et les filles de nombreux présidents africains au pouvoir depuis un temps supérieur à celui de l’âge de Macron. Ces présidents africains n’ont pas seulement félicité Emmanuel Macron par pur devoir ou respect de règles diplomatiques entre Etats. Ils l’ont aussi fait en mettant en exergue le sacré renouvellement des idées, des hommes et de la vie politique française qu’inaugurait l’élection de Macron. Ce qu’ils oublient de relever et qui est tangible est qu’un parcours politique à la Macron est impossible dans leurs régimes qui sont des dictatures politiques. Seule une démocratie peut permettre l’éclosion d’un Emmanuel Macron car elle le protège des abus de pouvoir récurrents dans les dictatures africaines, elle n’interdit pas à ses citoyens de parler de leurs pays en créant des mouvements contre le pouvoir pour prendre le pouvoir, elle ne met pas en prison ceux qui se déclarent candidats à une élection présidentielle, elle n’interdit pas des forums et des conférences, elle permet qu’un ministre en exercice démissionne, crée sont partis, puissent battre campagne et puisse gagner une élection présidentielle parce que justement protégé par des lois démocratiques. Combien de Camerounais sont en prison ou ont été en prison parce que ministre ou Secrétaire Général de la Présidence, ils ont osé présenter leur candidature à la présidence de la république ? Le cas Edzoa Titus et le plus célèbre dans cette catégorie de personne au Cameroun même s’il était déjà plus âgé que Macron qui avait 5 ans quand Biya accédait au pouvoir en 1982. Qu’est-il arrivé à Laurent Gbagbo si ce n’est le sort qu’une dictature politique et ses alliés externes réservent à un adversaire politique ? Une démocratie envoie-t-elle ses adversaires politiques en prison quand plusieurs de ceux qui sont au pouvoir en Côte d’Ivoire en ce moment sont eux-mêmes des assassins multirécidivistes ? Le régime burkinabè actuel est-il différent de celui de Blaise Compaoré lorsqu’on voit le parcours de ceux qui sont à sa tête, et la décision prise récemment par rapport au forum international de la diaspora camerounaise ?

Le fait d’interdire avec autant de détermination la tenue sur leurs terres d’un forum de la diaspora camerounaise militante, indépendante et patriotique, prouve que les régimes camerounais, burkinabè et ivoiriens actuels auraient tous mis Emmanuel Macron en prison jusqu’à ce que mort s’en suive s’il avait été Camerounais, Ivoirien ou Burkinabè. Les opposants politiques que ces régimes laissent en liberté sont soit ceux qui sont acquis au régime et font son jeu, soit ceux qui ne pèsent rien de grand dans l’échiquier politique national, soit ceux qui sont achetables facilement dans le cadre de la politique du ventre, soit ceux qui ceux qui sont une création propre du régime en place pour faire diversion.

Face à ces difficultés, la diaspora camerounaise militante, indépendante et patriotique a décidé de ne pas baisser les bras. Le forum sera organisé en 2017 à une date ultérieure.

La liberté d’expression et d’opinions qui est la sienne est non négociable et sacrée. Elle s’exprimera là où la démocratie l’autorise, protège et permet des idées dissonantes. Cependant, à quelque chose malheur est bon.

Cette mésaventure a permis de savoir qui est qui au sein de la diaspora camerounaise. D’après le régime de Yaoundé, dans quelques mois, la diaspora camerounaise de système, c’est-à-dire celle qui trouve que 34 ans de pouvoir pour un seul homme c’est fabuleux pour le processus démocratique de notre pays, celle qui trouve que le Cameroun est très bien géré, celle qui trouve que le Renouveau National a tenu ses promesses et celle qui souhaite qu’il continue, sera reçue à Yaoundé par le pouvoir dans une grande messe officielle où on fera certainement bombance mais sans changement aucun pour le peuple camerounais à la sortie de ces journées où les uns et les autres feront ripaille dans une orgie diasporique du pouvoir en place.

En ce qui nous concerne, notre amour, notre patriotisme et notre engagement pour le Cameroun ne s’exprime pas dans la connivence et le clientélisme mais dans la critique, dans les propositions contradictoires et dans le refus de voir ce beau pays transformer en truanderie pour le bien-être d’une poignée d’élite qui reproduisent depuis 1982 une ségrégation coloniale sur les citoyens camerounais. Des idées porteuses pour l’Afrique et le Cameroun ne pourront pas être cachées éternellement car les populations qui aspirent à un mieux-être les reconnaitront et revendiqueront leur application tôt ou tard.

* Thierry AMOUGOU, Macroconomiste hétérodoxe du développement, Professeur Université catholique de Louvain (UCL) en Belgique, Animateur et Fondateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques, Membre organisateur du Forum International de la diaspora camerounaise.

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