ARRESTATION DES MILITAIRES CAMEROUNAIS AU TCHAD : L’évidence d’un poker menteur en Afrique centrale
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ARRESTATION DES MILITAIRES CAMEROUNAIS AU TCHAD : L’évidence d’un poker menteur en Afrique centrale :: CAMEROON

L’incident a révélé le visage des pays de la sous-région qui savent mettre en scène leur « je t’aime, moi non plus ». D’un côté, ils font mine de collaborer sur le  plan sécuritaire. De l’autre, ils contribuent à ce que tout se passe mal.

I- LES FAITS

07 mai 2017, coup de tonnerre dans un ciel officiellement serein de la coopération policière transfrontalière Cameroun- Tchad : neuf soldats du 1er Bataillon d’intervention rapide (Bir), une unité d’élite de l’armée camerounaise se lancent à la poursuite de voleurs de bétail. Ils franchissent la frontière non matérialisée. Accusés d’avoir franchi celle-ci à plus de 45 kilomètres sans autorisation, ils sont arrêtés sans ébauche de résistance. Leur matériel (neuf armes, dont un fusil d’assaut de fabrication française de marque Famas et un pick-up Toyota équipé d'une mitrailleuse) est saisi.

Les militaires (et deux civils propriétaires du bétail) camerounais sont d’abord transférés à Bongor (dans le département du Mayo-Kebi, au sud du pays). Ils sont soumis à un interrogatoire par les autorités locales. Dans leurs déclarations, ils allèguent qu'ils sont à la poursuite des 04 bandits armés enturbannés. Ils ajoutent que ces malfrats ont ligoté un bouvier puis volé ses 26 boeufs quelques heures plutôt à Foulwayna non loin de Gobo, dans le département du Mayo Danay, région de  l’Extrême-nord.

Pour des compléments d’enquêtes, les 11 personnes sont transférées à N'Djamena, la capitale tchadienne. La réaction de Yaoundé est rapide: dès le 9 mai, les négociations pour la libération des militaires camerounais ont lieu entre les deux parties. Après trois jours de détention, les Camerounais recouvrent la liberté le 10 mai 2017 en mi-journée. Un happy end orchestré par Bah Oumarou Sanda, le chef de la mission diplomatique camerounaise au Tchad.

II-DÉCRYPTAGE

Dans cette affaire, on peut questionner au moins deux postures: celle des autorités camerounaises noyées dans un mélange de réserve et d’indifférence d’une part, et celle du régime de N’Djamena troublé par des soupçons de sa déstabilisation d’autre part. Dans un cas comme dans l’autre, le silence est au rendez-vous. Aucun communiqué officiel, seules quelques miettes d’informations ayant parfois déroulé une ambiance d’un entre-soi entre les deux parties. Rien au sujet de l’identité et la destination prise par les présumés voleurs de bétail.

On a à peine le temps de réagir à l’étonnement que, comme au cinéma lors d’un travelling arrière, le hors-champ apparaît pour mettre en valeur la problématique du droit de poursuite en Afrique centrale. «Ce qui est arrivé fournit un matériau intéressant pour souligner l’urgence de la formalisation de ce droit dans la sous-région», analyse Gervais Mebenga. L’internationaliste se persuade qu’il y a là matière à développer l’idée qui, de performance ponctuelle, doit devenir une nécessité dans un contexte ruiné par l’insécurité.

Or, depuis des années, la coopération militaro-policière a émergé dans le discours politique public comme objet prioritaire de l'agenda sous-régional. «L'impulsion institutionnelle donnée, celui- ci aurait déjà transformé les pratiques  par le simple fait de les avaliser officiellement au niveau de chaque pays», avance le Pr Joseph-Vincent Ntuda Ebodé. Pour l’universitaire, le vide juridique qui en découle limite dès lors l'efficacité des initiatives de prévention et de lutte contre la criminalité transfrontalière dans la sous-région.

Le géostratège en veut pour preuve, la mort programmée de la Patrouille mixte internationale (PAMINT), créée par la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT) le 15 Avril 1986 dans le but d'assurer la sécurité de la zone du Lac Tchad, en transcendant les frontières sans porter atteinte à la souveraineté des Etats riverains. En effet, chacun des Etats impliqués possédait en principe une représentation nationale de la PAMINT, qui devait être constituée des soldats des quatre Etats riverains du Lac Tchad.

Dès lors, chaque Etat membre devait envoyer ses soldats dans chacune de ces représentations nationales, afin d'assurer conjointement des patrouilles dans l'espace territorial de l'Etat en question. De ce fait, la PAMINT était sensée, par la mutualisation des forces opérationnelles, combattre de manière consensuelle et transparente les actes de criminalité dans cet espace.

L'armée tchadienne était composée de certains éléments véreux qui s'adonnaient au rançonnement des populations, ainsi qu'à la violation des frontières lacustres entre le Tchad et le Cameroun ; et qui furent arrêtés par la gendarmerie camerounaise pour être venus commettre des exactions dans l'ile camerounaise de NIMERY. En guise de protestation, le Tchad se retira en 2009.

D’emblée, la problématique fait référence aux questions sécuritaires d’intérêt mutuel secouant les relations à la fois bilatérales mais aussi multilatérales dans l’espace sous-régional. «Cette problématique, parce que recoupant les domaines économiques, politiques et socioculturels, montre l’immensité des défis auxquels l’Afrique centrale est confrontée en rapport avec des découpages territoriaux », rebondit le Pr Joseph-Vincent Ntuda Ebodé.

«Il s’agit donc, ajoute-til, de s’interroger comment les frontières des Etats de cette zone donnent-elles lieu à des conflits de souveraineté mettant en question les codes de Westphalie et d’Addis- Abeba sur l’intégrité des frontières garantie par le droit international».

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