Macron président : de ce qu’il offre pour l’Afrique à ce que l’Afrique devrait lui demander
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FRANCE :: Macron président : de ce qu’il offre pour l’Afrique à ce que l’Afrique devrait lui demander

La logique qui veut que les Africains, l’Afrique, les journalistes et les analystes scrutent ce que le candidat élu à la présidentielle française propose à l’Afrique est largement installée. Elle va désormais de soi au point d’acquérir le statut de normalité et /ou de normativité dans les soubresauts que chaque nouveau locataire à l’Elysée induits sur les rapports multiples entre la France et l’Afrique. Il semble important de signaler que c’est un mode de raisonnement qui ne permet pas à l’Afrique de sortir du statut de preneur de leçons. Elle ne permet pas à l’Afrique de dire à la France et au monde ce qu’elle attend du nouveau président français en lieu et place de ce que celui-ci lui propose. La deuxième limite de cette normalité et/ou normativité relève du fait que ce n’est pas seulement l’offre politique spécifiquement africaine du nouveau président français qui impacte l’Afrique mais aussi et surtout son offre politique globale à la France. C’est donc en confrontant l’offre politique globale de Macron à la France et la demande politique globale de l’Afrique à la France que nous pouvons examiner le prix politique à payer pour un nouveau round des liens entre l’hexagone et le continent noir. Dans la mesure où cette demande politique globale et autonome de l’Afrique n’existe pas, notre exercice table sur ce que l’Afrique devrait demander à Emmanuel Macron en examinant l’offre politique globale de celui-ci à la France.

Avant toute chose, la jeunesse du nouveau président français par rapport à la moyenne d’âge des présidents africains en poste, est d’une grande portée politique pour l’Afrique où des hommes et des femmes de l’âge d’Emmanuel Macron sont majoritaires, talentueux mais relégués hors du champ politique africain privatisé par des grabataires dont Macron serait le petit fils. La jeunesse de Macron est donc en elle-même une offre politique à la France. Le pays va bénéficier du dynamisme, de l’audace et de l’énergie d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques à la fleur de l’âge. Un président africain démocratiquement élu à 39 ans reste du domaine de l’ineptie totale tant le continent le plus jeune au monde est engluée dans des dictatures qui empêchent le déploiement des idées et de l’énergie de sa jeunesse. Ce que devrait demander la jeunesse africaine à Macron est de soutenir le renforcement du processus démocratique en Afrique ainsi que la société civile et les diasporas africaines dans leurs combats dans cette direction. En dehors des coups d’Etat tels celui de Samuel Doe au Libéria, seule une démocratie peut porter un homme de 39 ans au pouvoir car la démocratie le protège et l’autorise là où une dictature africaine l’écraserait tout de suite sans compte à rendre à quiconque.

Sur le plan économique, le président Macron veut privilégier l’investissement dans l’économie réelle afin de décourager la rente. L’Afrique dont les économies sont majoritairement rentières devrait demander au leader de la France en marche d’arrimer son projet à celui de la diversification des économies africaines via des investissements dans le champ de l’économie réelle qui sortiraient ainsi le continent noir d’une omniprésence de la rente. Situation qui renforce les dictatures politiques, empêche le développement économique et décourage l’innovation parce que l’existence de la rente économique n’en dépend pas. Dans la mesure où Macron veut décourager la rente par une réforme fiscale qui incite l’investissement, l’Afrique peut bénéficier de cette réforme fiscale en demandant la publication des bénéfices des multinationales françaises qui contrôlent des pans entiers de l’économie africaine mais sur lesquelles aucun chiffre n’est disponibles ni en matières d’impôts payés, ni de marges bénéficiaires réalisées. Soutenir le pouvoir d’achat des Français comme Macron souhaite le faire ne peut être possible en Afrique que si l’Etat africain est capable de faire une réforme fiscale (re)distributive en faveur des pauvres en la calibrant sur ce que les multinationales françaises et occidentales gagnent effectivement dans son économie de rente. Cela n’est possible que si les Etats africains et les chercheurs africains disposent des chiffres correspondants à ces aspects. Pour ce qui est des finances publiques, Macron s’inscrit dans l’orthodoxie libérale qui asphyxie l’Afrique à travers une série d’ajustements structurels mais compte demander un peu d’aide à Bruxelles pour un dérapage minimal du déficit français. L’Afrique, continent en développement qui devrait avoir des finances publiques de développement et non une simple arithmétique comptable d’austérité, devrait plaider auprès de la France pour une plus grande souplesse dans les budgets des Etats, notamment ceux à nouveau sous ajustement structurel en Afrique centrale depuis 2017.

Sur le FCFA, ce que Marine Le Pen avait de novateur par rapport à Macron est qu’elle proposait de sortir les pays africains du FCFA, d’où sa rencontre avec le président tchadien, un des adeptes de cette stratégie monétaire. Macron n’en dit mot dans son programme. L’Afrique et les Africains de la Zone Franc pourraient proposer à Macron un protocole de sortie progressive ou de réforme progressive du FCFA afin d’inaugurer une nouvelle ère monétaire africaine dans le but de réconcilier les populations africaines et leur monnaie car la question du FCFA n’est pas qu’une question économique. C’est aussi une question de fierté africaine et panafricaine. Cela serait un avantage par rapport à la solution de Marine Le Pen qui ne prévoyait aucun protocole précis de sortie du FCFA.

La lutte contre le terrorisme et l’islamisme radical est l’un des grands axes politiques du président Macron au point d’être déterminante dans sa future politique extérieure. Les points saillants de sa politique sécuritaire nationale et internationale sont le renforcement du renseignement pénitentiaire et de proximité, une meilleure circulation de l’information entre les différents acteurs du champ judiciaire. L’Afrique désormais territoire de replis de nombreux mouvements terroristes et islamistes peut revendiquer la collaboration de la France pour le renforcement de ces points qui, très souvent, lui font défaut. Elle peut à cet effet proposer un plan communicationnel et un plan de développement. Sur le plan communicationnel, l’Afrique soutiendrait la France et demanderait à celle-ci en retour le soutien à la mise en place d’un satellite panafricain permettant à l’Afrique d’être autonome et donc encore plus efficace dans la collecte et le traitement de l’information relative au terrorisme international. Le plan de développement que l’Afrique peut concevoir dans le but de renforcer la stratégie de Macron dans la lutte contre le terrorisme, consisterait à exiger le développement économique et social des zones où sévit l’islamisme radical en Afrique car les recherches montrent que plusieurs de ces zones sont aussi des régions d’une extrême pauvreté, des régions où la modernisation politique et économique a fait faillite depuis les indépendances. Coopérer avec l’Afrique dans la lutte contre le terrorisme n’aurait de sens et d’efficacité qu’avec un tel plan de développement des régions pauvres qui en sont le terreau fertile. Cela est aussi valable pour la lutte contre l’immigration clandestine, autre point névralgique de la politique internationale de Macron. Le renforcement massif des effectifs de Frontex que propose Macron n’est pas la solution pour les Migrants africains. Ces derniers ne peuvent diminuer que si la vie qu’ils mènent dans leurs pays tue en eux tout désir d’immigration clandestine vers l’Europe. Cela passe aussi par un continent africain démocratique, moins dépendant du réseau Françafrique et capable d’offrir de l’avenir désirable à ses jeunes via un plan Marshall (Plan Macron ?) de son développement économique et social. L’Europe en a bénéficié au sortir de la deuxième guerre mondiale. L’Afrique, après un désastre social des politiques d’ajustement structurel qui s’empilent les unes aux autres sans résultats depuis des décennies, devrait revendiquer à la France et au monde industrialisé un plan Marshall pour son développement. L’efficacité de la lutte internationale contre l’immigration clandestine et contre le terrorisme islamiste en dépend largement.

Macron est également favorable aux frappes françaises hors de l’Otan et dans l’Otan. Les récentes expériences politiques de l’Afrique suite à de telles frappes sont malheureuses avec des conséquences politiques multiples. Tout le Sahel a été déstabilisé par la chute de Kadhafi orchestrée par la France sous Sarkozy et la Côte-d’Ivoire vit toujours dans un profond clivage politique entre pro Gbagbo et pro Ouattara suite à l’intervention militaire française dans la crise postélectorale ivoirienne. L’Afrique pourrait conditionner les interventions militaires de la France en Afrique à la demande explicite d’un Etat concernée par un conflit ou à la demande explicite de l’Union Africaine.

Tout en félicitant le nouveau président français dont la jeunesse, l’audace et la stratégie de conquête du pouvoir entreront dans les annales de l’histoire politique internationale, les quelques lignes qui précèdent sont l’expression de quelques traits de l’Afrique que nous aimerions avoir face à la France. Nous pensons qu’une Afrique qui propose sa route à la France au lieu d’attendre celle que la France lui propose est plus à même de se faire respecter, de faire valoir ses intérêts dans tous les domaines et de trouver son chemin.

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