France contre Afrique : Prélude aux règlements de compte
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En Avril 1951, l’hôtel Crillon de Paris est le théâtre d’une réunion inédite et secrète. Konrad Adenauer, chancelier allemand de l’époque s’entretient avec une délégation israélienne composée de David Horowitz et Maurice Fischer, émissaires du premier ministre David Ben-Gurion. Au menu des discussions : les réparations du peuple allemand envers le peuple juif ! Cela se passe 6 ans après la fin du régime nazi en Allemagne. Le chancelier Adenauer fait preuve d’une lucidité extraordinaire. A propos des crimes nazis, il déclare lors de son discours du 27 septembre 1951 devant parlement allemand: « …bien que les crimes n’aient pas été commis par le peuple allemand dans son ensemble, ils ont bel et bien été commis au nom de tout le peuple allemand…» (1).

Pourtant, plus de 50 ans après les « indépendances » de la plupart des pays Africains, c’est-a-dire plus de 70 ans après la chute du régime de Hitler, l’un des instruments-clés du système de spoliation mis en place par ce régime tant décrié en Occident continue de sévir dans 14 pays d’Afrique et aux Iles Comores. Cet instrument se déguise et se décline dans ces pays sous le nom de code Franc CFA. Les victimes humaines directes et indirectes sont innombrables. Des études sérieuses en vue d’établir de façon assez exhaustive leur nombre devraient faire l’objet d’une attention plus importante de la part des pouvoirs publics et d’autres personnes de bonne volonté. En attendant, au Cameroun par exemple, un musée dédié aux victimes des crimes contre l’humanité commis par la France et ses complices locaux devrait être érigé afin de définitivement déclencher le processus sérieux de réconciliation de ce peuple d’avec lui-même.

L’objet du présent article n’est pas de parler du sujet oh combien important des victimes de l’impérialisme français en Afrique. Mais plutôt de voir dans quelles mesures l’Afrique et la France peuvent s’accorder sur les modalités de réparation de l’aspect financier de ces crimes. Plus spécifiquement, la dette contractée à travers les comptes d’Operations, et la confiscation des matières premières sur une durée qui tutoie le siècle. Faisons d’entrée de jeu remarquer que ce remboursement ne va pas nécessairement ruiner la France, il peut au contraire s’avérer être un puissant stimulant pour l’économie française.

Le précèdent Israélo-allemand est en fait très instructif sur ce sujet. Coté Allemand, le taux de chômage et la vitalité de l’économie étaient alarmants avant la réparation, l’économie allemande a effectivement retrouvé toute sa vigueur pendant le processus de remboursement. Pour ce qui est d’Israël, cette opération a permis d’affermir une véritable rampe de lancement qui a servi au décollage et à l’envol de leur économie. Les Africains devraient se servir de ce modèle pour bien comprendre les mécanismes de la mise sur pied d’une opération aussi complexe. Soit dit en passant qu’un remboursement ne signifie absolument pas l’alignement des billets de banques dans des valises comme celles transportées par Ziad Takieddine de la Libye

vers le bureau de Sarkozy. Bien orchestré, le concept d’un remboursement gagnant-gagnant est possible.

C’est en 1941 que Nahum Goldmann, Vice-Président Actif du Congrès Mondial Juif a poussé l’idée et a commencé à travailler sur le principe de la réparation.

Par la suite, le Conseil pour la Protection des Droits et des Intérêts des Juifs Allemands, sous le leadership du Dr. Siegfried Moses a esquissé les contours et les composantes essentielles de ce remboursement. La forme finale sur laquelle va s’appuyer les négociations de 1951 est l’œuvre du Professeur Leo Kohn.

Au bout d’un travail acharné des deux commissions de suivi Juifs et Allemands, le document final est prêt pour signature prévue au Luxembourg le 10 Septembre 1952. Ce Traité est composé de 4 protocoles. Le 1er est l’accord de réparation entre Israël et la République Fédérale d’Allemagne. D’après les termes de ce protocole, Bonn (Capitale Allemande de l’époque) versera 3 milliards de Deutschemarks à Israël principalement sous la forme de biens et services. Les 2e et le 3e concernent l’indemnisation des victimes de l’holocauste, d’un montant de 450 millions de DM, également sous la forme de biens et services. Le 4e d’un montant de 221 millions de DM concerne des biens immobiliers allemands (en terre palestinienne) confisqué par l’Etat d’Israël.

Il n’est pas utile à ce point de rentrer dans le détail des biens et services échangés entre les deux pays précédemment cités. Nous comprenons néanmoins le travail de fourmi requis pour récupérer ce qui nous revient de droit sous la forme la plus appropriée. Le 1er défi est de satisfaire le principe que l’on ne négocie pas en position de faiblesse. Un travail de fond destiné à faire un inventaire froid et quasi exhaustif de nos forces et faiblesses s’impose donc naturellement. A terme, le poids de l’Afrique toute entière sera nécessaire pour faire aboutir les négociations, car la France n’est pas seule à profiter de la paupérisation de l’Afrique.

L’autofinancement de l’UA est un préalable indispensable à la conquête de la position de force, mais cela n’est pas suffisant (ce sujet sera développé dans (2)). Les Africains devraient développer et se réapproprier toutes les techniques d’organisation qui leur permettraient de tirer le maximum de profit de leur ressources naturelles et humaines. Cela implique la mise en place d’un système éducatif adapté, mais aussi la maitrise des sciences de l’organisation, de l’évaluation, de la mobilisation des ressources naturelles et humaines, et de la gestion des grands projets. La mise sur pied d’un système de pression efficace qui inclurait un réseau de temples de promotion de la tradition africaine devrait également faire partie de l’équation.

Il est important de rappeler qu’Israël n’a pas obtenu réparation uniquement sur la base d’un sentiment de culpabilité et de regret profond qui aurait subitement hanté l’esprit de l’Elite dirigeante et du peuple Allemand. La diaspora juive, consolidée et coordonnée autour des synagogues a réussi à s’imposer et à contrôler des sphères clés du pouvoir dans les pays d’accueil, notamment aux Etats-Unis d’Amérique. Cette

influence a été décisive dans l’acceptation du principe de réparation et tout au long des discussions subséquentes. L’Afrique malheureusement n’a pas en l’état actuel une diaspora aussi utile, pourtant le potentiel ne manque pas (voir (3), et (4)). Dans ces circonstances, d’autres instruments de pression sont nécessaires. Par exemple, les pays francophones peuvent causer de gros dégâts s’ils décident de soumettre la France à un embargo sur les ressources naturelles. (5)

Clairement, c’est notre force économique, notre capacité de nuisance, et notre habileté à nous protéger contre des attaques extérieures qui vont ultimement amener la France et ses alliées sur la table des discussions. Mais pour discuter efficacement, il nous faudra apprendre à identifier les interlocuteurs valables, c’est-à -dire ceux qui ont véritablement le pouvoir de décision. En effet le monde Occidental est organisé de telle manière que, ceux qui ont véritablement le pouvoir sont tapis dans l’ombre. Les officiels et les interlocuteurs visibles sont tout au plus des exécutifs avec pouvoirs limités. Certains problèmes que rencontre Trump viennent justement du fait qu’il est d’une certaine manière en porte-à-faux avec ce model. Il est à fois visible et veut exercer la réalité du pouvoir. Plus spécifiquement, Trump menace de remettre indirectement au peuple l’exercice réel du pouvoir en lui donnant un accès direct au vrai décideur.

Ce qui est vrai pour les chancelleries l’est également pour les grandes Institutions et les grandes organisations. Au FMI par exemple, Christine Lagarde n’a pas grand pouvoir; de l’intérieur, la machine est entièrement contrôlée par un conseil dominé par les américains. Le Vatican n’est pas en reste ; pour le commun des mortels, le Pape François est l’homme le plus puissant dans le monde catholique. Mais pour ceux qui comprennent le contrôle qu’exerce l’ordre jésuite sur le Vatican, l’homme le plus puissant du Vatican et probablement du monde s’appelle Arturo Sosa, 31e General Supérieur de l’ordre jésuite.

Tout ceci, pour dire que, le moment venu, nous n’auront pas à perdre notre temps à discuter avec des intermédiaires, les chefs d’Etat et de Gouvernement Occidentaux. Nous n’aborderons les questions monétaires qu’avec ceux qui tirent véritablement les ficelles monétaires du monde. Les discussions avec les officiels français ne devraient porter que sur les modalités de remboursement de nos devises.

Aux sceptiques qui doutent de l’éventualité d’un remboursement de la dette Française envers l’Afrique, Il est bon qu’ils sachent que, même après la signature du traité Israélo-Germanique portant sur les réparations, le 1er ministre David Ben-Gurion restait convaincu que cela ne se réalisera pas, et pourtant l’Allemagne a bel et bien fini par tout payer.

(1) Howard M. Sacher, Israël and Europe, page 39.

(2) Paul D Bekima, Analyse des formes de financement de l’UA (à paraitre)

(3) Paul Daniel Bekima, Partenariat Stratégique : l’Alternative Africaine-Américaine, www.cameroonvoice.com du 6 Janvier 2014.

(4) Paul Daniel Bekima, Banque Centrale de la Diaspora : Un Elément de Solution aux Problèmes de l’Afrique noire, www.mediaafrik.com du 13 Aout 2013.

(5) Gabriel Makang, Cameroun - France : Ce que la France risque dans son Aventure Camerounaise, www.regardsurlafrique.com du 10 Février 2015.

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