Cameroun,Pour 3,5 hectares à Yaoundé Ekoudou…Les « terminators » des terrains sortent la grosse artillerie. L’affaire Carrefour – CFAO Retail et le scandale foncier
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Cameroun,Pour 3,5 Hectares À Yaoundé Ekoudou…Les « Terminators » Des Terrains Sortent La Grosse Artillerie. L’affaire Carrefour – Cfao Retail Et Le Scandale Foncier :: Cameroon

Ils usent de mille astuces pour barboter les terrains de paisibles citoyens. Avec l’expropriation pour cause d’utilité publique comme arme imparable. Mais l’alibi de l’intérêt public pourrait n’être que des intérêts privés bien compris. A la santé des multinationales ou de nouveaux comptoirs coloniaux…Enquete.

Depuis que Madame Jacqueline Koung à Bessiké est titulaire du portefeuille des Domaines et des Affaires Foncières, on peut dire que les choses bougent pour la propriété foncière. On ne saurait dire si c’est du bon côté ou l’inverse. Mais, à l’approche de l échéance annoncée de l’émergence économique en 2035, on met les bouchées doubles et Jacqueline est bien décidée à surclasser tous ses prédécesseurs tels que Hamadou Moustapha ou Pascal Annong Adibime. Il ne passe plus un mois sans qu’elle ne défraie la chronique. Et pour de bonnes raisons.

Le Département du Wouri, qui se confond à la consistance superficielle de la seule ville de Douala, ne dispose plus de terrains domaniaux. Aussi,on est obligé d’aller voir du côté de Japoma, à Manoka ou dans des Départements limitrophes, le Nkam ou la Sanaga Maritime. Mais Madame Jacqueline Koung sait y faire dans de telles situations. En effet, il n’y a pas si longtemps, elle a rétrocédé à un seul habitant de la ville de Douala, à Mbanga-Bakoko, quelques23 hectares. Il s’est écoulé à peine vingt jours entre le moment où la demande de rétrocession a été introduite à ses bureaux et le jour où l’arrêté ministériel est sorti, dûment signé. Bravo pour la fin des lenteurs administratives ! L’heureux bénéficiaire, un certain KINGUE, devait entreprendre sur le site un projet de construction de logements sociaux. Cependant, il ne les pas construit. Il n’a même pas commencé. Bien au contraire, il vendait des lopins aux petits copains contre espèces sonnantes et trébuchantes. Adieu les logements sociaux.

Les logements sociaux sont devenus la définition des grands projets au Cameroun même s’ils tardent à sortir de terre.

A Yaoundé aussi, on compte mille projets de logements sociaux. Il en a été envisagé un petit millier dans le quartier dit Ekoudou, sur le terrain en face du Palais des Sports, derrière le Collège de la Retraite et à la limite de l’échangeur vers la Nouvelle route Bastos. Le 1ernovembre 2012 donc, la Ministre des Domaines signe un arrêté d’expropriation numéro 000505/MINDCAF/SG/D1 pour cause d’utilité publique de ces terrains d’Ekoudou qui devraient abriter les travaux de construction de 10 000 logements sociaux. C’est à peu près les seuls terrains qui restent à cet endroit du Centre-ville de Yaoundé. Cependant trois ans après l’arrêté, aucun logement social n’est sorti de terre. La cause d’utilité publique est désormais caduque. Et les familles expropriées sont désormais en droit de reprendre possession des terres qu’elles avaient abandonnées pour laisser construire des logements sociaux. Ce qui fut d’ailleurs entrepris par Philippe Amougou, un patriarche Beti, qui est propriétaire depuis 1966, de 9614 mètres carrés sur ce terrain. Le vieux Philippe avait eu le temps de prendre attache avec les investisseurs d’une chaîne hôtelière pour la construction d’un hôtel cinq étoiles en plein centre-ville de Yaoundé.

Alors que les négociations sont suffisamment avancées et qu’il faut procéder à la mutation des divers titres fonciers au profit des actionnaires au projet de l’hôtel, on brandit un nouvel arrêté numéro 000557/MINDCAF du 21 juin 2016 concernant les mêmes terrains qui évoque en lieu et place de la cause d’utilité publique pour la construction des logements sociaux, l’utilité publique pour les travaux devant abriter des projets structurants. Le 13 octobre 2016, l’arrêté 000998/MINDCAF/SG/D1 vient modifier le précédant du 21 juin 2016 et ne vise plus les projets structurants. Les terrains sont tout simplement déclarés d'utilité publique pour les travaux de constitution des réserves foncières. Il y est plutôt question d’incorporer les terrains qui ont déjà fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique dans le domaine privé de l’Etat. La manœuvre pue l’entourloupe à plein nez.

Les agents du ministère qui ont conseillé Jacqueline Koung n’ont pas pris la peine de bien relire leur livre sur le droit domanial et foncier au Cameroun. Il faudrait en fait de grandes gymnastiques pour exproprier des terres et les reverser directement dans le domaine privé de l’Etat. Le groupe Toyota Tsusho et sa filiale coloniale CFAO Retail sont passés par là pour les intérêts de la chaîne de supermarchés Carrefour. Pour preuve, le 14 novembre 2016, le décret n° 2016/5159, s’appuyant sur les 2 arrêtés MINDCAF, exproprie les pauvres propriétaires camerounais et incorpore leurs terrains au domaine privé de l’Etat, en vue des travaux de constitution des réserves foncières au lieu-dit « Ekoudou » sur une surface globale de 07 ha 46 a 42 ca. Le décret alloue la modique somme de 114 454 482 francs Cfa aux personnes ainsi spoliées, l’article 7(1) stipulant « Qu’une parcelle des réserves foncières ainsi constituées, d’une superficie de 03 ha 50 a 00 ca est attribuée en bail emphytéotique à la Société de Gestion Immobilière du Cameroun (SOGIMCAM) pour une durée de 35 ans, aux fins du développement du projet CFAO-RETAIL-CARREFOUR. Un hypermarché, là où le client de Philippe Amougou voulait implanter un hôtel de 5 étoiles.

L’Etat trahit son complot !

Quand un terrain est classé au domaine privé de l’Etat, il peut être vendu de gré à gré par le même Etat. C’est ce que va faire l’Etat avec Koung ABessiké. D’ailleurs, on n’a pas attendu longtemps. Dans la même semaine, le Magazine Investir au Cameroun publie dans ses colonnes la bonne nouvelle du siècle : la chaîne de supermarchés Carrefour veut construire à cet endroit le plus grand hypermarché d’Afrique dans la Capitale du pays le plus peuplé d’Afrique centrale.

Selon le journal, Carrefour va investir 30 milliards de francs Cfa, le Cameroun est assuré de 20 % au capital, et le terrain de 3,5 hectares sera cédé dans un bail emphytéotique de 36 ans. C’est l’opportunité du siècle pour les rédacteurs du magazine Investir au Cameroun.

On a bien dit bail emphytéotique ? On ne nous dit pas encore quel est le taux des loyers annuels et à qui ils seront versés. Voilà donc un Etat qui vient arracher des terrains aux citoyens pour les louer à des multinationales ou à des comptoirs coloniaux. Un Etat voyou ou Etat bandit ? Non. Un Etat brigand !

La situation mène à s’inquiéter lorsqu’un Etat peut se rabaisser à exproprier de paisibles citoyens de leurs terrains et avancer des mensonges sur l’utilité publique, alors que le même Etat peut trouver des voies de solutions plus élégantes.

Le projet de logements sociaux aurait-il été abandonné ? Peu importe. Néanmoins, on aurait pu inciter Carrefour à acheter le terrain auprès des occupants et des ayants-droits en payant le juste prix dans une zone où, avec l’urbanisation, le mètre carré frôle maintenant les 150 ou 200 mille francs Cfa. A un tel prix, un propriétaire comme Philippe Amougou se serait retrouvé avec 1 500 millions au moins et ne grommellerait pas d’avoir vendu son terrain à une multinationale. On ne lui propose que 12 petits mille francs Cfa le mètre carré. Et encore, il est le seul dans son cas. Les autres propriétaires ancestraux dans le terrain de 3 hectares et demi vont se contenter du prix pratiqué du temps où la zone

était marécageuse et interdite de lotissement. Mais perdu pour perdu, le patriarche Philippe Amougou veut sonner les cloches pour appeler les citoyens spoliés au soulèvement. Mais, il souhaite peut-être aussi appeler ces mêmes citoyens à se joindre à lui dans les procédures engagées contre l’Etat indélicat et indéfendable du Cameroun. En voilà un qui ne recule devant rien pour embarrasser le Président Biya, qui a déjà fort à faire que la grogne vienne de toutes parts.

Soupçons d’ententes maffieuses.

Les observateurs de la dernière bourde de l’Etat en sont encore songeurs mais tiennent déjà leur part de vérité. Pour la majorité d’entre eux, un investissement de 30 milliards est trop important pour que les ministres à Yaoundé restent en dehors. Le Cameroun gagnera 20 % des parts de capital et cèdera en retour un terrain de 3,5 hectares. La réalité dans les documents financiers et comptables est souvent cachée dans des notes de pied de page, la vérité est plutôt dans les dessous de tables pour les gros investissements dans les pays de la Françafrique. Et dernière question : Pourquoi la chaîne Carrefour ne s’est-elle pas aventurée au Cameroun plus tôt et ne s’est jamais bousculée aux portes du Cameroun avec tous les autres, Score ou Monoprix, qui ont finalement jeté l’éponge ? Un analyste diplômé de HEC a son idée. Avec la signature des Accords de Coopération Economique et la levée des barrières douanières, les gars de Carrefour ne sont pas bêtes. On sait, et ils savent ce qu’ils font. Parions que Madame la Ministre, Jacqueline Koung A Bessikèle sait aussi ce qu’elle fait ! Sinon, elle n’aurait pas signé aussi vite ses arrêtés farfelus et foncièrement dolosifs. Nous voyons mal l’Etat du Cameroun, au lieu de financer de vrais projets structurants, financer les supermarchés. Ou bien alors l’Etat est devenu irresponsable.

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