La Banque mondiale doute de l’émergence du Cameroun en 2035
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La Banque Mondiale Doute De L’émergence Du Cameroun En 2035 :: Cameroon

Dans un document appelé « Mémorandum économique du Cameroun (CEM) » et publié le 06 avril 2017, l’institution de Bretton Woods recense les principaux pêchés qui empiètent la marche du Cameroun vers la prospérité. 

Pour devenir un « pays à revenu intermédiaire haut » d’ici 2035, le Cameroun devra accroître sa productivité et libérer le potentiel de son secteur privé. Telles sont les principales conclusions du Mémorandum économique du Cameroun (CEM) récemment achevé par la Banque mondiale et intitulé « Marchés, administration publique et croissance ». Son PIB réel devra croître d'environ 8 %, ce qui nécessitera une augmentation du taux d'investissement d'environ 20% du PIB à 30% et une croissance de la productivité de 2% par an, comparé à son taux moyen de croissance de 0% au cours de la dernière décennie.

Ce sont des défis titanesques. Maintenir, prévient la BM, un tel niveau de croissance pendant plus de 20 ans n’a été réalisé que par très peu de pays : la Chine, la Corée, le Vietnam et le Botswana. Et seuls 5 % des pays de la planète sont parvenus à augmenter de 2 % leur taux de productivité des 25 dernières années. La BM pointe quelques péchés du Cameroun en quête d’émergence.

La très forte participation de l’État limite la concurrence

Le Cameroun pointe au 109ème rang sur 144 pays pour ce qui est de l’intensité de la concurrence au niveau national, à la 65ème place en ce qui concerne l’ampleur de la dominance du marché, et au 78ème rang s’agissant de l’efficacité de la politique de concurrence. Quelques grandes entreprises seulement opèrent dansla plupart dessecteurs et sous-secteurs de l’économie : 31 % des entreprises manufacturières opèrent en situation d’oligopole, de duopole ou de monopole, contre 25 % et 22 % seulement au Kenya et au Ghana respectivement. Dans les sous-secteurs représentant des intrants essentiels pour d’autres activités ‒ télécommunications, transports et électricité ‒ une seule entreprise est active. La participation de l’État dans plusieurssociétés renforce la concentration du marché et limite de ce fait la concurrence entre les entreprises. C’est le cas pour la production d’électricité, d’huile de palme et de bananes. Même lorsque l’État n’est pas l’actionnaire majoritaire, il dispose souvent de droits particuliers qui renforcent son influence sur les décisions de l’entreprise. La forte concentration du marché et les prises de participation de l’État constituent desfacteurslimitant de la concurrence locale

Faible compétitivité de l’économie

La faible compétitivité de l’économie camerounaise aux niveaux national, régional et mondial est un indicateur des distorsions qu’entraîne la forte participation de l’État à l’activité économique. En principe, un État établit et applique desrègles pour atteindre des objectifssociaux et économiques, tout en créant des incitations pour amener les entreprises à développer leurs activités et à obtenir de meilleursrésultats, et il crée des mécanismes pour maximiser l’efficacité, la transparence et la redevabilité sur le plan réglementaire. Ilsurveille le secteur privé sur les différents marchés, punit les comportements anticoncurrentiels, régule les secteurs à monopole naturel, et maîtrise d’autres défaillances du marché. Il veille également à ce que les procédures opérationnelles soient simples, prévisibles, accessibles et universelles afin d’éviter les obstacles bureaucratiquesinutiles et de placer tous les acteurs sur un pied d’égalité.

Enfin, il peut intervenir sur des marchés spécifiques pour fournir des biens et services, par le biais de ses entreprises ou en tant qu’actionnaire direct dans certaines entreprisessi cela se justifie clairement d’un point de vue économique, ou en intervenant indirectement à travers le contrôle des prix ou desimportations ou la passation des marchés publics. Toutefois, cesfonctions légitimes peuvent avoir un effet pervers sur la contestabilité d’une économie si elles sont remplies par un État très présent qui joue mal son rôle de régulateur et de promoteur économique tout en participant exagérément à la production, ce qui a pour effet d’étouffer la compétitivité et de freiner la croissance.

Des entreprises publiques peu rentables et trop endettées

Les entreprises publiques ont des dettes croisées importantes avec l’État et de considérables créances en cours/ effets à percevoir de l’État et d’autres entités, tandis que les recettes versées à l’État sont faibles. Le total des créances/effets à percevoir a atteint 60 % du chiffre d’affaires en 2013. Aucune information n’est disponible sur les délais de souffrance de ces créances et sur la part de ces créances qui sont ensuite radiées, mais à l’évidence, des niveaux aussi élevés d’effets à percevoir compliqueraient la gestion des finances des entreprises publiques. La tendance à la hausse des créances impayées entre 2010 et 2013 laisse penser que ces dernièressont cumulatives. La dette totale des entreprises publiques pour laquelle des données sont disponibles a atteint 17 % du PIB en 2013.

L’essentiel de cette dette est à court terme et sera acquittée dansles délais prévus. Cependant, on ne connaît pas le montant total de la dette à long terme garantie par l’État et qui serait par conséquent un passif éventuel qui pourrait être appelé en cas de défaut de remboursement des entreprises publiques. Une préoccupation majeure est le niveau élevé des dettes fiscales ou impôts et taxes que les entreprises publiques doivent verser à l’État. Malgré l’augmentation des impôts payés au cours des dernières années, les dettesfiscales ont atteint 175 milliards de francs CFA en 2013 (environ 318 millions de dollars),soit près de 7 % desrecettestotales de l’État. Les dettes de sécurité sociale sont une autre source de préoccupation (35,8 milliards de FCFA en 2013, soit environ 65 millions de dollars). Le crédit aux entreprises publiques est passé de 113 milliards de FCFA en 2012 à 145 milliards de FCFA en 2013 et à 170 milliards de FCFA en 2014 et est estimé à plus de 300 milliards de francs CFA en 2018 (1,4 % du PIB). Peu d’entreprises publiques versent des dividendes à l’État. Elles ont diminué progressivement entre 2010 et 2013, passant de 9,4 milliards de francs CFA à 1,3 milliard de FCFA (environ 17,1 millions de dollars à environ 2,4 millions de dollars).

Faiblesse de l’environnement des affaires

Des mesures visant à améliorer les points les plus faibles de l’environnement des affaires au Cameroun devraient être prises pour développer le secteur privé. Les données de Doing Business de 2016 et 2017 indiquent que les trois domaines les plus défaillants du Cameroun sont : commerce transfrontalier, paiement des taxes et impôts et transfert de propriété. Le gouvernement doit adopter d’urgence un programme de réformes visant ces trois domaines afin de démontrer au milieu des affaires son engagement à réduire les contraintes au développement du secteur privé. Cela permettra de stimuler l’industrialisation du pays avant desinterventions plus ciblées telles que les zones économiques spéciales (ZES) tel que le complexe industrialo-portuaire de Kribi. En effet,tant que les questions de premier ordre telles que les TIC, l’électricité et les coûts de transport ne sont pasréglées, ilsera difficile de voir comment une ZES contribuera à attirer des IDE.

L’Etat joue pauvrement son rôle de régulateur

L’Etat camerounais joue pauvrement son rôle de régulateur et de promoteur économique tout en étant fortement impliqué dans la production, étouffant ainsi la compétitivité et limitant la croissance. La croissance a trois moteurs principaux : l’accumulation des facteurs ; la réallocation des facteurs à leur usage le plus productif ; et l’innovation. Dans une économie de marché idéale, où la concurrence est la règle, la décision rationnelle des consommateurs et des producteurs déclenche un tel processus de croissance à plusieurs volets. Au Cameroun, les marchés sont déformés par la participation de l’État dans un domaine où elle n’est pas nécessaire, à savoir la production. Les marchés déformés allouent les facteurs de production de manière inefficace, limitant ainsi la croissance.

Au Cameroun, l’économie ne tire pas pleinement profit d’un stock d’infrastructures de plus en plus important en raison de la faible intervention de l’État là où il est attendu, à savoir dans la régulation. La mauvaise régulation des services d’infrastructure de base (électricité, transports et télécommunications) maintient les coûts des facteurs de production à un niveau élevé, ce qui limite la compétitivité. Au Cameroun, les lourdeurs administratives accablent le secteur privé malgré le discours officiel sur la facilitation de la conduite des affaires. Un environnement des affaires hostile décourage l’investissement privé et entrave ainsi la croissance. Il est donc nécessaire de revoir le rôle de l’État pour améliorer la compétitivité et la productivité. À cette fin, ce chapitre se concentre sur neuf domaines principaux dans lesquels les pouvoirs publics et le secteur privé devraient collaborer pour promouvoir la croissance et la compétitivité et assurer l’optimisation des ressources dans toute intervention de l’État. En retour, cela libèrera le potentiel d’accélération de la croissance inclusive du Cameroun

Les coûts de transport sont très élevés

Les coûts de transportsont très élevés au Cameroun et en Afrique centrale : en 2008 il était de 11 cents US par tonne-kilomètre sur le corridor Douala-BanguiN’Djamena contre 8 en Afrique de l’Est, 6 en Afrique australe, 5 en France et en Chine, 4 aux États-Unis et 3,5 au Brésil. En outre, la qualité globale desinfrastructuresroutièresle long des corridors régionaux laisse à désirer et le manque d’entretien des routes, aggravé par le non-respect des charges à l’essieu, contribue à faire monter les coûts de transport. À titre d’exemple, d’importantstronçons des neuf corridors routiers qui relient le Cameroun à se  postes-frontière terrestres avec le Nigeria sont des routes de terre et de gravier difficilement praticables durant les moissecs, et impossibles à parcourir pendant la saison des pluies. Une mauvaise facilitation des transports et des services de transport multimodal limités freine également les échanges commerciaux régionaux.

Le service ferroviaire est limité. Les postes de contrôle et les barrages sur les routes et les autoroutes, dont le nombre moyen est de 1 tous les 20 kilomètres, font augmenter les coûts du transport routier intérieur et prolongent la durée des trajets. Enfin, le cartel de camionneurs opérant au niveau de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) ajoute aux inefficacités. En effet, en raison du régime de répartition du fret, quelques grands transitaires à Douala collaborent avec quelques grandes entreprises de camionnage pour fixer les prix avec des marges excessives le long des corridors régionaux et pour répartir les marchandises en transit entre les camionneurs. Ces contraintes réglementaires (officielles et officieuses) sont la cause profonde du peu de concurrence régionale, de la médiocrité du service et du niveau élevé des prix de transport.

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