Cameroun: Le tableau noir des enseignants des lycées et collèges
CAMEROUN :: SOCIETE

Cameroun: Le tableau noir des enseignants des lycées et collèges :: CAMEROON

En abandonnant les élèves et les salles de classe pour la rue le 28 mars 2017, cette catégorie de fonctionnaires exprime un malaise préjudiciable pour la formation de la jeunesse camerounaise.

Pour être professeur de lycée ou de collège au Cameroun, il faut suivre avec succès une formation de trois ans (niveau bac) ou cinq ans (niveau Licence) dans une des Ecoles normales du pays. La fin de la formation, au lieu d’être un saut vers l’amélioration des conditions de vie corolaire, d’une intégration dans la très convoitée Fonction publique camerounaise, le jeune enseignant commence un chemin de croix. Anatole K. professeur d’histoire dans un lycée situé à 17 Km de Maroua, le chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord est passé par là. 

Il a déposé son dossier d’intégration dès sa sortie de l’école en 2012. Un an après, il n’en avait plus de traces au sein des différents ministères. D’abord au ministère des Enseignements secondaires, le ministère employeur. Ensuite à la Fonction publique et de la réforme administrative (Minfopra) qui centralise le fichier du personnel de l’Etat. Et enfin au ministère des Finances qui s’occupe du paiement des salaires. Contraint par les pratiques d’une administration publique réputée corrompue, le jeune enseignant est entré en contact avec des « démarcheurs ». Il s’agit en réalité des jeunes au service des fonctionnaires et qui sont capables de vous obtenir tout ce que vous désirez au sein de l’administration contre rémunération.

Le calvaire

C’est ce « tuyau » particulier qui a permis, par exemple, à Anatole K. affecté à 17 km de Maroua d’obtenir un matricule deux ans après sa sortie de l’école. Désormais enclin à l’obtention des services contre rétribution dans l’administration publique camerounaise, le jeune enseignant paiera des « taxes » à chaque passage de son dossier. Et quatre ans après la fin de formation, il percevra son premier salaire en 2016. « J’ai payé 100 000 FCFA au fonctionnaire du ministère des Enseignements secondaires qui avait des amis aux Finances », lance l’enseignant. Une fin du calvaire. Puis qu’avant sa prise en solde, il fallait se lever du bon pied pour attendre un ancien collègue propriétaire d’une moto sur le chemin du lycée. « En saison sèche, j’arrivais avec la poussière, et en saison pluvieuse, c’est la boue qui montrait à mes élèves que mes conditions de vie ne sont pas meilleures », explique l’enseignant chargé de dispenser des cours d’histoire à 400 FCFA l’heure. 

Face aux tensions de trésorerie, le proviseur s’était résolu à verser un taux forfaitaire de 20 000 FCFA par mois aux enseignants en cours d’intégration. Un privilège, parce que dans d’autres établissements du pays, ce n’est pas le cas. Même les enseignants affectés à Yaoundé, la capitale du Cameroun n’échappent pas à ces tribulations. « Entre 2013 et 2015, c’était très compliqué. Mon dossier d’intégration était introuvable dans les trois administrations en charge de l’intégration des enseignants », se désole Dambé, professeur d’allemand au lycée d’Ahala dans l’espace rural du 3ème arrondissement de Yaoundé. Pour reconstituer son dossier, il a déboursé 40 000 FCFA à trois reprises pour remettre son dossier à jour. Et depuis 2015, l’enseignant de lycée gagne 128 000 FCFA sur une prévision de 226 000 FCFA. « Les 97 000 FCFA de 2015 à 2017 ne sont pas encore arrivés dans mon compte», explique l’éducateur. Il reconnaît avoir perçu tout de même un rappel des deux tiers équivalent à 128 000 FCFA de 2013 à 2015. Avant la prise en solde, la situation de l’enseignant au Cameroun n’est qu’un véritable parcours de combattant. « Des enseignants se retrouvent sans argent de taxi. Sans ressources financières pour se vêtir ou encore sans argent pour prendre le petit déjeuner avant le début des cours » râle un proviseur d’un lycée situé à Yaoundé sous anonymat. « Vous arrivez en classe dégoulinant de sueur. J’avais dit au proviseur du lycée d’Ahala que si 2015 passait sans une prise en solde, je devais déserter les cours », se rappelle sieur Dambe, professeur d’allemand pris en solde depuis deux ans. Avant d’ajouter avec amertume « même si vous aimez une profession, dans les conditions de traitement au Cameroun, vous êtes amenés à baisser votre ardeur au travail avec pour conséquence la baisse du niveau des élèves ». Surtout que, en quête de mieux être, les enseignants affectés dans les établissements publics sont contraints aux vocations dans des établissements privés pour leur survie.

Lire aussi dans la rubrique SOCIETE

Les + récents

partenaire

Camer.be sur tiktok

Vidéo de la semaine

évènement

Camer.be sur tiktok

Vidéo


L'actualité en vidéo