Journée du 08 mars: Hadabi Haoua Bizo, l´ambassadrice des droits de la femme
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NIGER :: Journée du 08 mars: Hadabi Haoua Bizo, l´ambassadrice des droits de la femme

Hadabi Haoua Bizo est l’une des rares femmes maires au Niger. À la tête de la commune de Kiéché, cette véritable célébrité locale, énergique, au caractère bien trempé, multiplie les initiatives pour les habitants de sa localité, en particulier les femmes et les filles. Parmi ses préoccupations : l’insécurité alimentaire dans sa région.

«Un des grands avantages de Kiéché est la proximité de sources d’eau du Dallol Maouri. C’est l’une des rares régions du Niger où le maraîchage est rentable », déclare Hadabi Haoua Bizo, maire d’une commune de près de 58.000 habitants, située entre des plaines arides au sud-ouest du Niger. Face aux réserves alimentaires très vite épuisées, les autorités de Kiéché ont mis en place un système pour faciliter l’accès des femmes au travail de la terre. Moyennant une cotisation annuelle, les femmes du village reçoivent un petit bout de terrain des propriétaires, qu’elles peuvent alors exploiter. Les champs sont facilement irrigables grâce à l’eau du puits construit à proximité par la commune.

Dès l’aube, les femmes de Kiéché sont au travail sur les sites maraîchers. Là-bas, la saison des pluies dure à peine quatre mois. Produire des fruits et des légumes en suffisance constitue donc un véritable défi. À cela s’ajoute un climat déréglé : durée réduite de la saison des pluies, violentes averses détruisant les terres arables, fortes sécheresses.

Les femmes cultivent des tomates, des oignons et des choux durant la saison sèche. Cette activité permet non seulement de diversifier les repas de la famille, en ajoutant des légumes au plat généralement à base de mil, mais aussi de générer des revenus grâce à la vente des surplus sur le marché local. Ces revenus permettent notamment d’acheter de la nourriture encore plus variée (riz, sucre, viande, etc.) ou de payer les frais de scolarité.

Mais tout n’est pas si simple. Sur le marché, les produits importés en provenance du Nigeria font concurrence à la production locale et font baisser les prix, explique Hadabi. «Pour contrecarrer cela, nous avons récemment construit un entrepôt, où nous pouvons conserver les oignons. Il est, pour nous, plus avantageux de les vendre lorsque leur prix est à la hausse.»

Les premiers résultats sont encourageants : la variété des légumes disponibles augmente et les récoltes sont plus importantes. «Les femmes deviennent financièrement plus autonomes et davantage d’enfants peuvent être scolarisés. C’est une situation où toute la communauté est gagnante.»

Et l’avenir ?

L’enthousiasme des femmes est néanmoins tempéré par l’incertitude et la question de la propriété foncière. Au Niger, les femmes rurales sont les plus touchées par les discriminations et les inégalités. Elles ne disposent pratiquement pas de revenus monétaires dignes de ce nom, l’essentiel de leurs activités étant consacré à la survie de la famille. Lorsqu’il est question des dépenses du ménage, l’épouse a peu voix au chapitre. Et puisque les hommes sont traditionnellement propriétaires des biens fonciers, seules les activités de vente de produits agricoles servent à financer les besoins de la famille.

Hadabi s’inquiète pour le futur : «Toute la commune a assisté au succès des potagers... Les propriétaires terriens aussi. Année après année, ils prêtent des terres, toujours à plus grande distance des puits. Conséquemment, les hommes travaillent les bonnes terres », alors que les femmes ont travaillé dur pour rendre les terres à nouveau fertiles. « Les femmes veulent avoir l’assurance qu’elles pourront retravailler le même bout de terre l’année suivante, de façon à pérenniser les résultats de leurs efforts. Et, ainsi, cueillir les fruits de leur travail. »

C’est pourquoi la commune met en place d’autres actions. «On soutient plusieurs activités génératrices de revenus. Par exemple, les femmes les plus vulnérables reçoivent trois chèvres et un bouc, qu’elles ‘remboursent’ lorsque leur élevage est bien lancé. Et comme nos administrés voient ce que l’on peut faire avec l’argent public, ils sont beaucoup plus enclins à payer leurs taxes! Ce qui nous donne les moyens d’investir davantage dans notre commune.»

Hadabi Haoua Bizo
Maire de Kiéché, Hadabi Haoua Bizo a une forte personnalité. Même si cela n’a pas toujours été le cas. «J’ai débuté ma carrière dans l’enseignement. Dans mon travail, j’ai été souvent confrontée aux faits. Nous désirons tous un bon enseignement pour nos enfants. Pour sortir de la pauvreté, il est nécessaire que les enfants apprennent, mais dans mon village natal de Jougala, la première école primaire a seulement été construite en 1994! De là est née ma volonté d’apporter un changement à travers la politique. Au Niger, on connaît trop de problèmes qui nécessitent de mettre en place des solutions structurelles. J’ai donc vite découvert où mes intérêts personnels se trouvaient : en politique.»

Un tel choix n’était pas évident en 2004, pas plus qu’aujourd’hui d’ailleurs. «Bien que j’aie toujours été soutenue par ma famille et mon mari, le monde politique est et reste ici un domaine masculin par excellence. J’entends encore souvent des remarques comme quoi les femmes restent subordonnées à l’homme : elles doivent se soucier du ménage et des enfants, et ne peuvent de ce fait s’occuper de quelque façon que ce soit de la vie publique. Cette interprétation était une raison de plus pour moi de persister dans mon intention de m’engager dans la politique.»

Hadabi a donné le signal que les femmes qui veulent être actives doivent en avoir la possibilité et aussi exercer leurs droits. Aujourd’hui, elle sensibilise et informe les familles de son village. «Avant, je n’osais pas prendre la parole en public, mais placez-moi aujourd’hui devant un auditoire, même de 1.000 hommes, et je ne me tairai point.»

Hadabi se révèle à Kiéché comme une véritable ambassadrice des droits de la femme, et s’est faite la porte-parole des femmes dans sa commune. Elle les aide à acquérir un revenu propre, à briser les rapports traditionnels homme-femme et à débattre des thèmes sensibles. Cela constitue un réel espoir pour l’avenir : «J’ai conscience qu’une modification totale de la mentalité n’est pas encore pour demain. Mais je sens que j’ai planté une importante petite graine, qui, lentement mais sûrement, grandira. »

 

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