Ôtons nos oeillères
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Voici plus d’un mois qu’un problème anglophone agite le Cameroun. Il n’y a pas que les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui sont concernées, perturbées. C’est tout le pays qui est attentif à ce qui se passe notamment à Buéa, Limbé, Bamenda et autres localités proches de ces métropoles-là. Les Camerounais sont plus unis que certains ne le pensent.

Ce sont les politiciens qui fabriquent le désordre. Les Camerounais sont de surcroît attentifs à ce qui se passe dans ces régions-là parce qu’ils ont des parents qui se débrouillent de ce côté-là, s’ils ne travaillent pas ou qui font des études là-bas. Que va-t-il se passer ? que peut-il arriver ? On ne peut jurer de rien ! Lundi dernier, la Crtv nationale qui n’a pas dit un traître mot sur la répression dont Bamenda et Buéa avant étaient le théâtre depuis des jours a fini par nous servir l’image d’un secrétaire général d’une organisation néo-coloniale de fabrication française, venu présenter la version anglaise du Traité Ohada à celui de la présidence de la République.

Après combien  d’années? Fallait-il attendre que les avocats du Common law, las de le réclamer, désertent les prétoires, descendent dans la rue et se fassent molester par des éléments anti-émeute de la police et de la gendarmerie ? Est-ce sérieux cela ? Est-ce cela notre Etat de droit ? N’en déplaise à ceux qui disent qu’il n’y a pas de problème anglophone au Cameroun – je suis du même avis – pourtant en voilà bien un. Quand le gouvernement camerounais doit s’engager dans certaines conventions internationales – de la Francophonie ou du Commonwealth - pourquoi oublier que le Cameroun est biculturel et intégrer ce caractère dans ses engagements ? Voilà un problème anglophone né et entretenu par les inepties d’un gouvernement dont les faucons profitent du laisser-faire de leur « créateur » pour  renforcer une autocratie.

L’erreur est humaine. Elle est pourtant réparable pour peu que son ou ses auteurs aient l’humilité de la réparer et faire avancer la société. Pourquoi se répandre en mensonges, oukases et sortir la canonnière là où même le chasse-mouches n’est pas nécessaire, mais où juste une explication conviviale ramène la sérénité ? « La plus humble des actions n’enlève rien à la dignité de celui qui l’accomplit » dit un dicton. On n’a pas fini avec le deuil des victimes du train 152 du 21 octobre dernier que les incuries des mêmes ploutocrates nous en infligent d’autres et des traumatismes de ces avocats et étudiants agressés par des éléments des forces de sécurité pour lesquels tout mouvement d’humeur est similaire à la menace d’une cinquième colonne.

Le problème anglophone tel que posé par les Atanga Nji, Issa Tchiroma Bakary et leurs autres semblables est le résultat du mal-être que nous ressentons tous, dans nos rapports à notre administration minée par la corruption et la condescendance à tous les niveaux. Il faut avoir, se faire des relations ou payer un prix. Celui de la corruption. Et Dieu sait combien de cellules de lutte anti-corruption existent dans nos administrations et leurs démembrements, juste pour jeter la poudre aux yeux du public. Et pourtant la gangrène est là, corrosive.

Le problème anglophone qui donne le lait à la presse et agite l’opinion est aussi celui de ces centaines d’exemployés des sociétés d’Etat restructurées ou liquidées, dont les indemnisations sont bloquées ou détournées dans les circuits administratifs. C’est aussi celui des villages dont les terres sont bradées par des élites politico-administratives et une bourgeoisie compradore qui estiment que leur position sociale leur donne droit de vie et de mort sur leurs convillageois et une haute main mise sur le patrimoine foncier de toute une population et des générations futures. Le problème anglophone qui secoue le pays aujourd’hui est aussi celui de tous ces Camerounais qui s’expriment à travers des memoranda. Ceux qui fustigent ces complaintes oublient-ils qu’ils ont utilisé le même moyen d’expression pour se retrouver au soleil ?

M. Atanga Nji n’émerveille personne quand, selon lui, il révèle à l’opinion que si puissant qu’il est, secrétaire permanant du Conseil national de sécurité, leader du Rdpc de son état, il demande au sous-préfet de son arrondissement, une autorisation pour tenir ses réunions à Bamenda. Il sait pertinemment que le même sous-préfet refusera la moindre autorisation à tout autre mouvement autre que le parti-Etat qui a pris le pays en otage.

Par ailleurs, les ministres camerounais et tous autres bénéficiaires des décrets et arrêtés qui les nomment à leurs fonctions et grades ne peuvent et ne doivent pas penser que ces textes leur confèrent la science infuse et qu’à côté d’eux tous les autres Camerounais ne sont que ploucs, illettrés ou canards sauvages. Très loin de là. Encore que le caractère discrétionnaire des textes de nomination les rend subjectifs. La tenue d’une réunion publique n’a besoin que d’une Déclaration de l’Organisation qui répond des conséquences que sa réunion peut engendrer.

Mais les sous-préfets, frileux, refusent systématiquement la moindre réunion ou manifestions publique au nom de l’ordre public et de la paix sociale. Le jour où un magistrat courageux, d’un tribunal administratif, sanctionnera un sous-préfet pour excès de zèle et abus de fonction, pour avoir interdit une réunion ou manifestation publique, ce sera aussi un pas vers le bout du tunnel de la dictature. Même les plus implacables ont une fin. Et elles finissent comme le sillage d’un bateau, fut-il un destroyer, dans un océan. Ne pas reconnaître le mal-être des Camerounais dont le problème anglophone, est intellectuellement, moralement et humainement malhonnête.

Pour le comprendre j’invite ceux qui le peuvent à lire le propos de l’ancien bâtonnier, Me Akéré Muna, dans Mutations de lundi 26 novembre courant. Cette lettre sur « la question anglophone », date de … janvier 1995. En 2016, rien n’a changé dans les actes d’un gouvernement qui estime que quelques perles jetées aux pourceaux rassasient le reste du troupeau. Dans cette meute se trouvent aussi des verrats qui ne l’entendent pas de cette oreille.

De grâce, nos compatriotes de culture anglophone et nous tous d’ailleurs, ne sommes pas à prendre pour des porcins, voire des sous-personnes. Dans l’Union européenne un Français, un Belge, un Portugais ont les mêmes droits et devoirs qu’un Allemand, un Hongrois, toute comme au sein de la Francophonie et du Commonwealth dont le Cameroun est membre, on bénéficie des mêmes avantages.

Sinon je suis persuadé que nous n’y serions plus. Dans la même livraison de Mutations à la page 15, je conseille également de lire la tribune de Sa Majesté Mohaman Gabdo Yaya, lamido de Banyo, sénateur du Rdpc.

Contrairement à certains féodaux bien de chez nous, il pose en patriote, les problèmes de la société camerounaise de notre temps. Il achève son papier en ces termes : « les défis qui nous interpellent sont nombreux, et nous devons concentrer notre énergie, ainsi que notre attention sur ceux-ci. Il est impératif d’éviter de faire des choix susceptibles de contrecarrer les efforts pour la paix et la sérénité de notre pays. Gagner la bataille de la lutte contre la pauvreté, le combat contre la corruption et l’inertie, tordre le cou au sectarisme, et à l’égocentrisme, oeuvrer pour l’unité et l’intégration nationale sont les véritables enjeux pour notre pays… »

Revenant sur ceux qui croient déceler des velléités de déstabilisation ou d’irrédentisme du Cameroun dans tout mouvement d’indignation et de protestation de ceux qui souffrent les injustices et les oppressions de toutes sortes dans leur chair sont ceux-là mêmes qui sèment les germes du chaos. Pour eux, c’est eux, eux seuls, personne d’autre. Ils ont réussi à s’imposer à Paul Biya en une éphémère coterie. Dans leur fébrile gesticulation et leurs élucubrations ils sont semblables à ces voleurs qui, démasqués dans la foule après leur forfait sont les premiers à crier « ô voleur ».

La technique et bien connue. Ils semblent oublier une chose : le temps de l’homme est bien limité et ses instincts négatifs se fondent comme du beurre sous l’effet des rayons du soleil. Ce que tous, devons retenir, c’est que l’une des valeurs sûres que nous avons reçues de Dieu est ce biculturalisme que certains utilisent abusivement à leur seul avantage au détriment des autres. Faute de cultiver un vivre ensemble citoyen et harmonieux, nous pouvons tous périr comme des imbéciles. Ôtons donc nos oeillères et regardons-nous comme des filles et fils d’une même nation que nous voulons unie, indivisible et prospère. 

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