Cameroun : De la désillusion des anglophones à la naissance de la SCNC
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Face à la communauté anglophone, la désillusion est également monumentale. En effet, les ressortissants de celle-ci se plaignent de n’être confinés qu’aux seconds rôles, dans cette réunification qui s’est produite le 1er octobre 1961, et dont ils espéraient tant. La désillusion anglophone s’est encore plus accentuée, en 1972, lorsque, pour les besoins de l’économie française, Paris avait décidé d’entreprendre l’exploitation du pétrole camerounais.

Or, celui-ci se trouvant au Cameroun occidental, il redoutait de devoir affronter une tentative de sécession, à la biafraise, au Cameroun, l’exploitation du pétrole pouvant donner des idées aux Anglophones. Une seule solution, mettre fin à ces histoires de fédéralisme au Cameroun, et centraliser à la fois l’Etat et le pouvoir. Ahmadou Ahidjo est donc convoqué à Paris, où il reçoit l’ordre d’abolir l’Etat fédéral et de passer à l’Etat unitaire. De retour au Cameroun, il s’exécute avec empressement. Il est organisé, au pas de course, un référendum au cours duquel les seuls bulletins présents dans les bureaux de vote sont le « oui » et le « yes ». Il n’existe pas de bulletin avec la mention « non » ou « no ». Ce sera ce que l’histoire du Cameroun retiendra sous l’appellation de « Révolution pacifique du 20 mai 1972 ».

Ahmadou Ahidjo provoquera encore une fois de plus, sept années plus tard, en 1979, le courroux de la communauté anglophone, toujours sur ordre de Paris, avec la désignation du Premier ministre, Paul Biya, comme dauphin constitutionnel, à la place du président de l’Assemblée Nationale, Solomon Tandeng Muna. La colère, outre-Mungo, à la suite de cette décision, est sans borne. Nombreuses sont alors les voix qui s’élèvent pour crier à la duperie des francophones, dans cette réunification. A n’en pas douter, ces deux faits constituent le point de départ du désir de sécession qui habite de nombreux Camerounais anglophones, à ce jour, et qui s’est cristallisé dans la création de la Southern Cameroon National Council, SCNC.

Les entreprises politiques à la place de la politique des entreprises

Les Camerounais, anglophones comme francophones, ont toutefois une consolation sous ce régime. Le chômage des diplômés est pratiquement inexistant. Et, lorsqu’il commence à vouloir se faire sentir, Ahmadou Ahidjo réagit promptement. Il se met à créer de nombreuses entreprises pour offrir du travail aux Camerounais. Mais, ce faisant, il commet une maladresse monumentale. Il ne se rend pas compte que l’essence d’une entreprise n’est pas de résoudre le problème du chômage. Non. Une entreprise fonctionne pour produire de l’argent, donc, faire des bénéfices. Ahmadou Ahidjo ne le comprend pas très bien. Son raisonnement est beaucoup trop politique, et très peu économique.

Dans les entreprises qu’il crée, les salaires sont particulièrement élevés. Les employés y gagnent parfois le quintuple de ce que, avec le même niveau de qualification, ils auraient gagné dans la fonction publique. Du coup, les fonctionnaires se mettent déserter les ministères pour le secteur parapublic, attirés par les hauts salaires qui y sont payés.

Dans le même temps, ces entreprises pratiquent une politique de recrutement massif de personnel, pour résorber le chômage, et se retrouvent, toutes, avec des effectifs pléthoriques. Et, ce qui devait arriver, arriva. Elles se sont rapidement retrouvées confrontées à des masses salariales impressionnantes, sans aucun rapport avec leur productivité, encore moins leurs chiffres d’affaires. La plupart, à peines créées, étaient déjà en situation de faillite, face à la masse injustifiée d’employés, et devaient, purement et simplement, être fermées, ou alors, elles devaient procéder à des licenciements massifs. Que faire ?

Ahmadou Ahidjo choisit alors, ni de les fermer, ni de les autoriser à procéder à des compressions de personnel, mais plutôt de les subventionner, de peur de jeter dans la rue, d’innombrables chefs de familles. Il se tourne vers le budget de l’Etat, et alloue, annuellement, ainsi, à qui, 200 millions, à qui, 500 millions, à qui 400 millions, pour pouvoir payer les employés, et ne pas fermer boutique.

Le Cameroun se retrouve de cette manière avec une économie artificielle, caractérisées par un secteur parapublic sous perfusion. Au moment où Ahmadou Ahidjo quitte le pouvoir, certaines des entreprises qu’il a créées, ne peuvent même plus fonctionner, l’espace d’un seul trimestre, avec leurs propres recettes. Elles ne survivent plus pratiquement que grâce à l’argent de l’Etat.

Mais, pour le commun des Camerounais, ces subtilités de l’économie sont trop compliquées, et, en conséquence, n’ont aucune importance. Ce qui compte, pour eux, c’est que la plupart d’entre eux bénéficient d’un emploi. Sur ce plan, au moins, la population est satisfaite.

Note de la rédaction : Après avoir longuement épluché l’époque de règne du premier président camerounais Ahmadou Ahidjo, l’auteur s’attaque aux désillusions des années Biya dans nos prochaines éditions.

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