Canada- Cameroun, Diaspora : L’incroyable parcours de Patrice NGASSAM, officier déserteur de l’armée Camerounaise
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Canada- Cameroun, Diaspora : L’incroyable parcours de Patrice NGASSAM, officier déserteur de l’armée Camerounaise

Gascoigne comme nous l’appelions à Ngoa-Ekélé est tout d’abord un étudiant studieux et brillant. En 3eme année du cycle licence en mathématiques pures et appliques à l’UY1, il s’engage volontairement dans l’armée de l’air Camerounaise comme sous-officier. En Septembre 1996, il s’envole pour la France, plus précisément à l’école des sous-officiers de l’armée de l’air, où il en sort 18 mois plus tard avec un brevet de mécanicien cellules hydrauliques option aéronefs et vecteurs. A son retour au Cameroun, il est affecté à la base aérienne de Yaoundé et promu Caporal en Avril 1998. C’est muni de grade qu’il valide sa dernière unité de valeur qui le rend détenteur d’une licence de Mathématiques de lUY1 en Juin 1998. On peut affirmer qu’à cette date, il fut le « soldat le plus instruit, au grade le plus bas » au sein de l’armée de l’air Camerounaise. Au groupement des moyens techniques de la base aérienne, il est commis à la maintenance des avions de combat qui y sont stationnés, responsabilités qu’il assume avec fierté, enthousiasme et intégrité remarquables. C’est donc sans objections particulières que la hiérarchie militaire lui accorde la possibilité de poursuivre une formation d’ingénieur à l’Ecole polytechnique de Yaoundé. Il présente le concours d’entrée en 2e cycle de cette école en Juin 1999 et intègre la 3e année du Génie Informatique de l’ENSP en Septembre 1999. Parallèlement à sa formation académique, sa carrière militaire suit une progression normale et sans faute, il est promu successivement Caporal-Chef, Sergent et Sergent-Chef. C’est avec les attributs et qualités de Sergent-Chef qu’il présente son mémoire de fin d’études à l’école polytechnique en Juin 2002. En Aout de la même année, il intègre les Ecoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan en France pour y suivre sa formation d’Officier. Pendant les 2 années passées en terre Bretonne, il obtiendra sur le plan militaire son diplôme de chef de section et au plan académique un Mastère spécialisé en Réseaux de Télécommunications et Sécurité des Systèmes d’Information. Avec une fois de plus l’accord de la hiérarchie militaire Camerounaise, il choisit la Gendarmerie comme arme de spécialisation et intègre l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale à Melun en région Parisienne en Aout 2004. Dommage pour le Cameroun, le tout premier Officier de Gendarmerie Camerounaise diplômé en Sécurité routière, prendra la décision de quitter définitivement le métier des armes dès la fin de sa formation en juillet 2005.

Nous avons retrouvé les traces de ce compatriote au Canada qui a accepté de répondre à quelques une de nos préoccupations.

Bonjour Mr NGASSAM. Auriez-vous quelques éléments à ajouter sur le descriptif de votre cv comme décris ci-dessus ?

Parler de mon CV est un peu trop dire, vous vous êtes limités et focalisés sur une période particulière de ma vie. Sur cette période d’intérêt de votre part, on ne peut pas faire mieux comme résumé.

Pourquoi avoir pris la décision de quitter l’armée Camerounaise lorsqu’on sait qu’un officier Camerounais n’est pas le plus misérable.

Votre postulat de base est m’inspire un sourire désapprobateur. Serait-on et demeurerait-on Officier pour éviter d’être dans le groupe « des plus misérables » ou jouir de certains privilèges ? Vous avez en face de vous le parfait contre-exemple pour mettre à mal cette manière de voir et percevoir le militaire Camerounais.

Pour revenir à votre question, à savoir pourquoi ai-je choisi de quitter cette institution ? Je répondrai simplement par devoir de cohérence vis-à-vis de ma conscience. Il m’était impossible de concilier mon rejet ABSOLU de la colonisation et la défense d’un pur produit de cette colonisation : entité appelée Cameroun. J’ai la faiblesse de penser et croire que la colonisation n’a eu aucune conséquence positive vis-à-vis des peuples et territoires colonisés d’Afrique.

C’est quand même lourd de conséquence non ?

Il va s’en dire qu’on ne prend pas une décision pareille aussi légèrement. J’ai servi au sein de l’armée Camerounaise en tant qu’homme de troupe avec pour seule obligation d’obéir. Mes années passées en formation d’Officier m’ont beaucoup bouleverse car en plus d’obéir, j’étais préparer à mener, diriger et influencer des hommes et des femmes. Nos cours d’éthique et déontologie étaient de véritables séances de torture morale pour moi. Je me devais de trouver un sens à mon engagement en rapport à la spécifité militaire qui est celle de donner et recevoir la mort ! Contrairement à mes camarades Français qui pouvaient très facilement trouver des éléments historiques et factuels transcendantaux tels que la Gloire-Liberté-Puissance, justifiant leur engagement, chez moi c’était vide et traumatisme. En me référant a l’histoire Camerounaise telle qu’elle m’a été transmise, ce qui me venait à l’esprit me cassait les ailes : Fernando Po, Rivière de Crevettes, Esclavage, travaux forces, Maquisards, Indépendance et autre Unification. En un mot, rien dans ce passé historique pouvant me pousser à donner ou recevoir la mort au nom du « Cameroun ». En analysant l’actualité contemporaine de cette époque (années 2003 -2004) dans un prisme purement Camerounais, nous étions en plein conflit avec le Nigeria au sujet de la presqu’ile de Bakassi. L’armée Camerounaise était en position de guerre pour défendre son « intégrité territoriale » face à l’ogre Nigérian. N’était-ce pas suffisant pour justifier mon engagement ? Malheureusement Non. Au-delà des proclamations superficielles faites ici et là, quel Camerounais peut justifier que Bakassi fait partie du Cameroun sans se référer aux récits coloniaux? Quel Nigérian pourrait-il justifier également que Bakassi soit Nigérianne ? Au demeurant, c’est même quoi le Cameroun ? Qu’est-ce qui de moi un Camerounais ? Qui se rappelle du nom du premier soldat mort pour le Cameroun a Bakassi ? Le nom du dernier ? A quoi ça servirait de « donner et recevoir la mort » si on n’est pas célébré ou reconnu par la postériorité ? Si la moyenne ou majorité de mes ex-camarades s’en accommodent, j’ai toujours refusé appartenir à la moyenne.

On comprend aisément que vous ne vouliez pas servir sous le régime de Yaoundé mais pourquoi donc avoir fait allégeance au drapeau vert rouge jaune.

C’est vous qui invitez le régime dans notre entretien. Comme vous le faites, je vais vous répondre une fois de plus par devoir de cohérence. Pourquoi le Cameroun a-t-il à sa tête un Président de la République ? C’est quoi une république ? Pourquoi la plupart des « pays » d’Afrique ont comme couleur de drapeau la combinaison de couleurs Vert-Rouge-Jaune ? Pourquoi les juges ayant condamné Ernest Ouandié et tout récemment André Blaise Essama sont masques en blond ? D’où proviennent les armes utilisées pour assassiner Um Nyobe ? Tout ceci ne vous renvoie pas à la colonisation ? Le Cameroun dans sa forme de 2005 ou même de nos jours assume pleinement son statut de vestige colonial et refuse de rompre avec ce passe. On ne peut pas être contre la colonisation et servir le colon fusse-t-il par personne interposée.

Quel a été la réaction de vos supérieurs après votre départ ?

Je suis parti sans demander leur avis, par conséquent je n’ai consacré aucun effort pour connaitre quelle peut avoir été leur réaction.

Et votre nouvelle vie au Canada ; Militaire ou civil ?

Je suis dans la vie civile depuis mon arrivée au Canada.

Et votre intégration au Canada, facile ou emprunte de difficultés.

L’enseignement le plus important reçu de mes stages commandos est la suivante : « Les chemins les plus difficiles sont les moins bien protégés. » J’en ai fait mienne, je puis vous rassurer que ça m’a beaucoup apporte dans mon intégration et mon installation au Canada.

Imaginez-vous revenir un jour au Cameroun et réintégrer les rangs ?

Il m’arrive de faire des cauchemars, le scénario que vous venez de décrire en est un.

Votre départ a-t-il inspiré certains de vos anciens collègues ?

Pas à ce que j’en sache. Tous mes ex-camarades servent avec fierté et bravoure leur pays.

Votre regard actuel sur l’armée Camerounaise que vous avez quitté

Cette armée fait face à des défis nouveaux qui commandent des idées et dynamisme nouveaux pour y faire face.

Le General Meka, malgré toutes les qualités qui lui sont reconnues, ne peux pas ou plus incarner ce renouveau. Avoir pour leader, un homme né avant les indépendances, âgé de 76 ans est handicap dans modernisation et la lutte contre le terrorisme auquel fait face l’armée Camerounaise. Il a été formé pour mater les « rebellions » et non le terrorisme. J’en connais en son sein d’intrépides, jeunes et dynamiques hommes dont l’enthousiasme à servir est inversement proportionnel a la confiance à eux accordée

C’est l’occasion de louer la bravoure de tous ces hommes qui sont en première ligne face à Boko Haram malgré le peu de considérations et de moyens mis à leur disposition. Le terrorisme ne tient pas compte des frontières étatiques dans son approche, cette doctrine devrait également être appliquée par les états qui combattent le terrorisme. Le Cameroun, livré à lui-même, ne peut pas venir à bout de ce phénomène. Les terroristes ayant le temps pour eux. L’évolution récente, quoique tardive dans la mise en commun des moyens et mutualisation des efforts entre le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigeria a été quelque chose de positif à observer. Espérons que la fin de ce conflit consacrera le début d’une prise de conscience collective en vue de la dématérialisation des frontières coloniales entre ces différents pays.

Votre regard sur votre pays le Cameroun.

Le Cameroun dans sa structuration et son fonctionnement est une véritable fractale, vue sous cet angle, ce que j’ai dit plus haut au sujet de l’armée vaut pour l’ensemble.

Un message à la jeunesse Camerounaise

L’Union Européenne à laquelle appartiennent la France et le Royaume-Uni c’est la première puissance marchande du monde, 25% du PIB mondial, 2 pays sur 5 au conseil permanent de sécurité de l’ONU. Malgré cette puissante assise économique, politique et militaire, le besoin d’union est une quête permanente pour la plupart des pays membres de cet ensemble. René Dumont avait sans doute raison de dire au lendemain de « l’indépendance » que le Cameroun était mal parti, la sacralisation des frontières coloniales, plus globalement des acquis coloniaux en est la raison principale. Il est un leurre de croire, parce que la France ou le Royaume-Uni nous l’ont fait croire que le Cameroun dans sa structure actuelle est viable et attrayant sur la scène mondiale. Le PIB de l’Afrique réunie représente moins de 2% du PIB mondial. Le salut passe par une intégration effective de tous les pays du continent, la disparition effective des frontières et barrières entre états est une nécessité absolue. Le Cameroun n’a pas été créé pour le bien-être des populations incluses dans ce territoire mais pour le bien et le rayonnement international de la France. Le Cameroun a conquis tout ou partie de territoires appartenant aux Bamileké, Fang-Béti Sawa, Bakweri, Pygmées et autre Moundang (Dieu me pardonne, liste non exhaustive) sans se prévaloir de l’avis de ses peuples, il ne fera rien pour l’essor de ces peuples car ce n’était pas l’objectif de ces conquêtes. S’il est techniquement difficile, voire impossible à chacune des micro-nations de se libérer de la mainmise et l’emprise coloniales, une prise de conscience collective s’impose à tous à l’échelle du continent pour redéfinir notre identité et être maitre de notre propre destin. Tant qu’on se bombe le torse, fier d’être Camerounais, nous causons un grand tort à l’Afrique et renforçons tous les jours la France.

Le mot de la fin

Je vous remercie de m’avoir accordé un peu de votre temps. Continuez votre travail d’éveil des consciences des populations Africaines.

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