Dieudonné Essomba : “Ces experts n’apportent rien”
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L’économiste se prononce sur le bien-fondé de la Conférence Investir au Cameroun.

Que pensez-vous de la Conférence Investir au Cameroun, terres d'attractivités?
Cette conférence s’inscrit dans le cadre des opérations de séduction pour attirer l’Investissement Direct Etranger (IDE). Elle participe des mécanismes de financement prévus pour réaliser la Vision qui a recensé comme mode de financement, outre les IDE, la mobilisation de l’épargne nationale à travers des institutions financières de proximité, la valorisation des transferts de la diaspora, la rationalisation et la systématisation de la fiscalité. Elle fait suite à des opérations précédentes de mobilisation des IDE, telles que le voyage du Chef de l’Etat en Turquie, celui du Premier Ministère en Chine, sans compter d’autres opérations dirigées vers ces partenaires éventuels, mais qui n’ont pas la même résonnance médiatique.

Est-elle réellement susceptible de relancer l'investissement au Cameroun?
Vous donnez une importance exagérée à une opération qui n’est qu’une séquence d’un long processus. Même si cette conférence est très médiatisée, elle n’apporte rien de particulier par rapport aux autres opérations de même nature.

Que peut apporter le panel d'experts présents à Yaoundé?
Absolument rien ! Les analyses de la situation économique du Cameroun ont été faites lors des travaux de la Vision et du DSCE et nos besoins ont été clairement identifiés. C’est d’ailleurs au vu de ces besoins qu’on les a invités. Ce sont les moyens pour réaliser ces besoins qui sont maintenant recherchés et ces gens n’ont plus grand-chose à dire de plus que ce qui a déjà été dit. On peut simplement noter que leur stature internationale donne à ce diagnostic une plus grande résonnance. Il faut classer cette conférence dans le cadre des relations publiques.

Le Cameroun a approché les investisseurs présents pour collecter 1000 milliards. Est-ce la bonne méthode?
Non, ce n’est pas la bonne méthode. Le Cameroun n’est pas une marchandise que des sauveteurs promèneraient auprès des éventuels acheteurs dans une logique de séduction et de harcèlement. C’est un écosystème dans lesquels les entrepreneurs agissent, chacun au gré de ses intérêts. Pour les attirer, il faut se mettre à leur place et identifier ce qui peut les intéresser effectivement, au lieu de leur en mettre plein la vue avec nos désirs à nous. Il ne sert à rien de se dépenser de manière incessante en déclarations optimistes et en opérations à grand spectacle alors qu’aucun effort n’est fait pour créer les conditions d’une réelle attractivité. Cela sonne faux et en matière économique, l’autosuggestion ne donne aucun résultat.

Les projets structurants peuvent-ils être une aubaine pour de nouveaux investissements?
Pas à l’heure actuelle. Pour qu’un pays sous-développé soit attractif, il faut deux conditions. La première qui est d’ordre microéconomique est que l’infrastructure à réaliser présente une rentabilité financière suffisante. Le Cameroun étant encore sous-développé, tous les secteurs sont en friche et on peut donc trouver un grand nombre d’opportunités d’investissement financièrement rentables. Malheureusement, le Gouvernement et ses conseillers se limitent à cette condition, alors qu’il y a une seconde exigence plus redoutable encore : la balance courante du pays doit être équilibrée ou mieux encore, excédentaire.

C’est le signe que le pays est capable de dégager des excédents en devises qu’un éventuel investisseur pourrait emporter s’il réalise son projet et en tire le bénéfice. Dans ces conditions, le déficit courant structurel qui traduit cette incapacité à générer les devises devient un obstacle mortel pour l’attractivité du pays. Et malheureusement, c’est le cas du Cameroun : avec son déficit commercial représentant 50% de ses recettes d’exportation, le Cameroun ne peut pas être attractif, quel que soit la promotion. Les seules possibilités d’investissement se réduisent, soit au secteur d’exportation qui procure directement les devises aux investisseurs comme le pétrole, soit les projets d’ordre stratégique comme ceux réalisés par la Chine pour sa conquête de la planète. En dehors de ces cas, il n’y a pas grand-chose à attendre.

Quelles solutions concrètes pour de nouveaux investissements ?
La configuration macroéconomique actuelle du Cameroun ne lui permet pas d’attirer les investissements. C’est cette configuration qu’il faut modifier, en combattant à tout prix et à tous les prix le déficit commercial qui étrangle la croissance, amplifie le chômage et exerce un violent effet-repoussoir sur les IDE. Assez étonnamment, le Chef de l’Etat s’en était alarmé lors de son discours de fin d’année 2014, mais rien n’a été fait. Or, si ce réajustement n’est pas fait, la situation du Cameroun deviendra de plus en plus dramatique.

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