TERRORISME : 89 membres de Boko Haram condamnés à mort à Maroua
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Ils sont les premiers d’un contingent de 850 prévenus à faire les frais de la justice.

La guerre que livre le Cameroun contre la secte terroriste Boko Haram ne se joue pas seulement sur le terrain militaire. Le volet judiciaire, qui marque la frontière entre le respect des valeurs humaines d’une nation civilisée et la barbarie des terroristes, est un élément clé de ce dispositif. Car, in fine, seule la justice permet de faire le tri parmi les nombreux suspects interpellés ici et là ou capturés pendant les combats, de dégager les responsabilité des uns et des autres, et d’infliger en conséquence aux coupables, la rigueur de la loi anti-terroriste de décembre 2014.

Depuis le début des exactions de Boko Haram contre le Cameroun, de nombreux présumés terroristes ont été interpellés ou capturés au combat par les forces de défense et de sécurité et depuis peu, par les Groupes de défense populaires appelés ici comités de vigilance. S’ils sont disséminés sur l’ensemble du territoire, c’est à Maroua, capitale de l’Extrême-Nord, région épicentre du conflit contre la secte terroriste que se trouve le plus gros contingent des détenus liés à la guerre contre Boko Haram.

Selon des sources proches du tribunal militaire de Maroua, ils sont environ 850 à la prison de cette ville. Soit le gros du contingent de ce milieu carcéral où le nombre de pensionnaires tourne autour de 1530. Une situation qui n’est pas sans poser de problème de sécurité.

INQUIÈTUDES

«Le plus inquiétant, c’est qu’en l’absence d’un programme de déradicalisation des membres de Boko Haram ou de surveillance accrue de leurs activités en prison, certains ne parviennent à endoctriner les prisonniers de droit commun qui peuvent être dangereux pour la société une fois leur peine purgée», s’inquiète un magistrat militaire. Une inquiétude d’autant plus justifiée que la cadence des interpellations est largement supérieure à celle des procès du tribunal militaire de Maroua, par exemple.

A ce jour, depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-terroriste de 2014, 89 terroristes de Boko Haram ont été condamnés à mort et 01 à perpétuité. De même, 03 suspects ont été libérés en janvier 2016. Il s’agit notamment d’Amada Meila, d’Abdoul Mamoudou et d’un certain Djabba. Les deux premiers suspects relaxés ont regagné Mora d’où ils avaient été interpellés. «Tout le monde a droit à une justice équitable. Il n’y a pas que des condamnations, il y a aussi des acquittements.

Notre justice n’est pas seulement à charge, elle est aussi à décharge», se félicite un magistrat militaire. Nombre de défenseurs des droits de l’homme sont loin de partager la sérénité des magistrats militaires. S’ils reconnaissent que la situation est exceptionnelle, ils invitent néanmoins les autorités judiciaires à améliorer les procédures pour une plus grande équité dans le jugement.

PREVENUS SANS DÉFENSE

«Quand un Etat comme le Cameroun s’engage à rendre justice au lieu de liquider les suspects sur le théâtre des opérations comme certaines armées le font pour ne pas s’encombrer par la suite des «colis inutiles», il doit le faire pleinement en invitant ses représentants à respecter scrupuleusement la loi. Pour ce cas, je pense que le problème vient davantage des magistrats militaires que de l’Etat. Pour certains magistrats, un suspect de Boko Haram est un Boko Haram.

Les procédures, du début à la fin, sont diligentées dans une langue que la grande majorité de prévenus ne maîtrise pas, comme il leur est régulièrement demandé aussi d’apporter la preuve de leur non appartenance à la secte alors que ce rôle est dévolu au commissaire du gouvernement», se désole un avocat. En raison de l’incapacité des prévenus de Boko Haram à prendre en charge leur défense, faute de moyens, ils ne sont pas particulièrement courtisés par les avocats. «Nous devons aussi tenir compte de notre environnement. Défendre des présumés terroristes est mal perçu par notre entourage. De plus, parfois commis d’office, chaque dossier n’est payé que 5.000 Fcfa, une somme minable », regrette un homme de loi.  

LENTEURS JUDICIAIRES

Les défenseurs des droits de l’homme, eux, vont plus loin dans leurs critiques. Ils soupçonnent, sans apporter cependant de preuves convaincantes, l’existence de prisons clandestines dans la région où seraient gardés des suspects échappant à tout contrôle. «Le Cameroun est en guerre. Il est normal que les suspects soient d’abord interrogés par les forces de sécurité avant d’être mis à la disposition de la justice. Ces interrogatoires, ne l’oublions pas, sauvent quotidiennement des vies. Où avez-vous déjà vu que les suspects dans la lutte contre le terrorisme échappent aux interrogatoires des forces de défense et de sécurité ?

Sont ce les magistrats qui doivent collecter pour nous les informations opérationnelles ? Soyons sérieux», tempête un officier supérieur de l’Opération Alpha. Reste que la lenteur dans le traitement des dossiers des prisonniers suspectés d’être liés à Boko Haram est un sérieux défi pour la justice. Il peut laisser à croire que des personnes sont détenues sans charge solide contre elles.

«Les affaires liées au terrorisme sont complexes et requièrent parfois de longues enquêtes», explique une source introduite au tribunal militaire de Maroua. Est-ce la raison pour laquelle l’exmaire de Fotokol, Ramat Moussa, accusé de collusion avec Boko Haram, est détenu à Yaoundé depuis 2014 sans jugement ? Ses partisans, eux, affirment que le dossier est vide et que ceux qui l’ont arrêté ne veulent pas perdre la face au cours d’un procès public.

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