La FIFA accuse pour la première fois un pays d’avoir acheté sa Coupe du monde
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C’est une première dans l’histoire de la Fédération internationale de football (FIFA). Mercredi 16 mars, l’organisation planétaire a clairement accusé l’Afrique du Sud d’avoir acheté sa Coupe du monde en 2010. Dans une lettre rédigée par ses avocats du cabinet Quinn Emanuel et envoyée à la justice américaine, dont Le Monde a pris connaissance, l’instance réclame 38 millions de dollars, se pose en victime et liste par le menu tous les méfaits de ses vingt-sept hiérarques ou ex-dignitaires inculpés par le parquet fédéral de New-York.

L’instance met ainsi l’accent sur les 10 millions de dollars (9,1 millions d’euros) de pots-de-vin qui ont permis à l’Afrique du Sud d’acheter les voix du Trinidadien Jack Warner, ex-patron de la Confédération d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf), radié à vie en 2011, et l’Américain Chuck Blazer, « taupe du FBI » et ex-secrétaire général de la Concacaf, et d’un « troisième membre du comité exécutif », le 15 mai 2004, lors de l’attribution du Mondial 2010 au pays de Nelson Mandela, victorieux dans les urnes face au Maroc (quatorze voix à dix). Selon l’acte d’accusation de la justice américaine, ce troisième votant non identifié est le « coconspirateur no 16 » et haut dirigeant de la Confédération d’Amérique du Sud (Conmebol). « C’est désormais apparent que de nombreux membres du comité exécutif de la FIFA ont abusé de leur position et ont vendu leur vote à maintes occasions », peut-on lire dans la missive de la FIFA.

10 000 dollars en cash dans une valise

L’organisation rappelle le rôle de Daryan, l’un des fils de Jack Warner, qui a « établi des liens étroits avec l’Afrique du Sud » après l’échec de ce pays lors du vote d’attribution du Mondial 2006 et sa courte défaite (douze voix à onze) face à l’Allemagne. « Daryan Warner a organisé une série de matchs amicaux pour que des équipes de la Concacaf jouent en Afrique du Sud », explique le cabinet Quinn Emanuel. Il a aussi joué les porteurs de valise pour son père, recevant 10 000 dollars en cash dans une valise, dans un hôtel à Paris, avant de la livrer à Jack Warner à Trinité-et-Tobago.

Censé être un don pour soutenir la diaspora africaine dans l’Union des fédérations caribéennes (CFU), le fameux versement de 10 millions de dollars a été fait en 2008 – avec l’aval de la Fédération internationale – et a ainsi été détourné vers un compte de Jack Warner. Qualifiant cette transaction de « vol », Quinn Emanuel réclame à la justice la restitution de cette somme.

Le 1er juin 2015, c’est Jérôme Valcke, le secrétaire général français de la FIFA, qui est désigné par The New York Times comme « le haut responsable » de l’organisation ayant supervisé cette transaction, engagée par le comité sud-africain d’organisation du Mondial 2010. Le nom de numéro deux de l’organisation, radié pour douze ans en février, n’apparaissait pas dans l’acte d’accusation déposé auprès du tribunal fédéral de Brooklyn. « L’argent n’était pas un pot-de-vin mais un paiement légitime dans le cadre du développement des Caraïbes », s’était alors défendu Danny Jordaan, dirigeant de la Fédération sud-africaine et patron du comité d’organisation du Mondial en 2008. De 2007 à 2010, la FIFA a fait près de 600 millions d’euros de bénéfices, essentiellement grâce au premier Mondial organisé en Afrique.

Blatter nie toute implication

Selon la FIFA, celui qui avait donné son accord à ce versement était le président de sa commission des finances, l’Argentin Julio Grondona… mort en juillet 2014. Réélu le 29 mai 2015 pour un cinquième mandat malgré le coup de filet mené deux jours avant le congrès de la FIFA, le président de l’instance Joseph Blatter avait sèchement répondu aux médias qui l’accusaient d’être au courant de cette transaction : « Je n’ai pas 10 millions de dollars. Ce n’est certainement pas moi. » Le 2 juin, il avait remis son mandat à disposition avant d’être suspendu six ans par son comité d’éthique, à l’instar de son ancien ami et successeur annoncé, Michel Platini.

Dans son acte d’accusation, la justice américaine avait accusé deux « coconspirateurs » – dont les patronymes restent inconnus – de la FIFA dans le cadre de ce fameux versement. « Le coconspirateur no 14 figurait parmi ceux qui ont fait en sorte que le gouvernement d’Afrique du Sud verse 10 millions de dollars » à un compte contrôlé par Warner. Par ailleurs « le coconspirateur no 17 » a « causé ce versement ».

Dans leur déclaration, les avocats de la FIFA rappellent par ailleurs que Jack Warner et Chuck Blazer avaient déjà été corrompus en 1992 pour soutenir la candidature du Maroc, largement battu par la France (douze voix à sept) lors de l’attribution du Mondial 1998. Ils ont ainsi récidivé, « douze ans plus tard », acceptant cette fois du Maroc un pot-de-vin « de 1 million de dollars ».
D’autres Mondiaux visés

Les accusations de la FIFA mettent en relief les dysfonctionnements et autres dérives liés au vote d’attribution des Mondiaux, qui, depuis 2013, n’est plus l’apanage des membres du comité exécutif, mais des 209 membres du congrès. Cette nouvelle procédure, qui concerne donc l’édition 2026, prend tout son sens alors que l’attribution du Mondial 2006 à l’Allemagne fait l’objet de plusieurs investigations. A la suite d’une plainte de la FIFA déposée en mars 2015, la justice suisse enquête en outre sur les conditions d’attribution des Mondiaux 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar. A ce jour, elle a relevé 152 « mouvements financiers suspects ».

Sur les vingt-quatre votants qui ont participé (ou étaient censés le faire), le 2 décembre 2010, au scrutin d’attribution des deux prochains Mondiaux, trois ont été radiés à vie (le Qatari Mohamed Ben Hammam, Chuck Blazer et Jack Warner), un banni huit ans (le Tahitien Reynald Temarii), trois suspendu six ans (Sepp Blatter, Michel Platini et le Sud-Coréen Chung Mong-joon), quatre font actuellement l’objet d’une enquête du comité d’éthique (le Nigérian Amos Adamu, le Brésilien Ricardo Teixeira, le Thaïlandais Worawi Makudi et le Paraguayen Nicolas Leoz) et deux ont reçu un avertissement (l’Espagnol Angel Maria Villar et la légende allemande Franz Beckenbauer) et une amende.

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