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© Camer.be : Entretien avec Valgadine TONGA
- 23 May 2015 11:00:50
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Dr. Jean Pierre Kamga Olen «250.000 schizophrènes à prendre en charge au Cameroun» :: CAMEROON
Des types de maladies mentales aux causes en passant par les évolutions statistiques, le chef service de psychiatrie de l’hôpital Jamot à Yaoundé parle de la santé mentale au Cameroun.
Le malade mentale est-il un fou ?
Le mot folie ne fait pas partie du jargon de la psychiatrie. C’est beaucoup plus utilisé dans le domaine des sciences sociales, par exemple en sociologie et en anthropologie, et dans le jargon populaire. En psychiatrie nous utilisons les termes beaucoup plus précis. C’est les nosographies, c’est-à-dire les systèmes de classifications des maladies mentales. Il y a plusieurs systèmes. La classification internationale des maladies de l’Oms, il y a la classification américaine des maladies mentales, la nosographie française… La maladie qui semble beaucoup plus correspondre à ce qu’on appelle communément la folie, c’est la schizophrénie. C’est un malade qui vit comme dans son monde. Il parle tout seul dans la rue, passe des mois sans se laver, il est vraiment crasseux, il mange dans les poubelles, il a tendance à quitter son lieu habituel de résidence pour séjourner dans la rue. C’est ça la schizophrénie. C’est une maladie mentale majeure et chronique. Elle va affecter le sujet jeune, adolescent, jeune adulte. Elle est quand même assez fréquente. La prévalence tourne autour de 1% à l’échelon mondial. Pour un pays comme le Cameroun, on a 250.000 schizophrènes à prendre en charge. Quand on parle de maladie mentale de façon générique, c’est une personne qui présente des troubles psychiques, des troubles du comportement. Il faut distinguer ce qu’on appelle les troubles du comportement habituel ou normal. A l’issue de certains facteurs, certains traumatismes psychiques peuvent développer ce qu’on appelle un trouble du comportement. Et le trouble du comportement fait basculer maintenant dans ce qu’on appelle la maladie mentale. En psychiatrie, on va poser des diagnostics bien précis, on pourra poser le diagnostic d’un trouble bipolaire, trouble anxieux…
En gros, celui qui a les troubles de comportement n’est pas forcément fou ?
Non. La folie correspondrait beaucoup plus à la schizophrénie qui n’est qu’une seule maladie. Il y en beaucoup. J’ai parlé de dépression, de manie, de névrose, d’hystérie, de palpitation liée à la consommation des substances comme les drogues… Le schizophrène ne devrait pas être considéré comme un danger. Il est plutôt un malade qui a besoin de l’aide de la société, qui a besoin d’être soigné. Il ne peut pas engager une série d’actions comme se rendre à l’hôpital.
Quelle maladie mentale est récurrente au Cameroun ?
Au Cameroun, par ordre de fréquence, il faut dire que la dépression est la maladie mentale la plus fréquente, dans le monde aussi. La prévalence varie entre 5 et 10% et en Europe on arrive même déjà à des pics de 12%. Il y a des projections qui estiment qu’en Europe, on pourra atteindre 25% en termes de dépression. Il y a les troubles anxieux. C’est une catégorie de trouble très fréquent. Dans les troubles il y a ce qu’on appelle les troubles obsessionnels, l’anxiété généralisée etc. Il y a plusieurs catégories de maladie mentale, et ce n’est pas toutes les maladies qui font perdre à l’individu le sens de la réalité. Il y a des personnes qui sont très adaptées, qui vaquent à leurs occupations, qui ont des charges sociales très importantes, mais elles ont des maladies qui les font souffrir intérieurement. Et pour lesquelles elles sollicitent des consultations. De façon globale, plusieurs facteurs peuvent déterminer la survenue d’une maladie mentale, mais il est très difficile d’identifier une cause unique. Généralement les causes vont s’associer de façon très caractéristique. Il y a quand même ce qu’on appelle les causes biologiques. Ça peut être les facteurs génétiques, une maladie somatique comme le diabète, l’hypertension, l’accident cardio-vasculaire qui peut prédisposer à développer une maladie mentale. Il y a des causes psychologiques (traumatismes psychiques divers, les évènements de la vie, les conflits interpersonnels de couple, de famille, professionnels et sociaux), la consommation de substance telle la drogue. Dans notre société, la consommation de cannabis devient de plus en plus importante chez les adolescents. Il y a la consommation d’alcool et d’autres drogues qui prédispose à développer des troubles psychiques. J’ai tantôt parlé des causes héréditaires car il y a des familles où on retrouve dans la généalogie beaucoup de personnes qui ont souffert d’un trouble psychique. Il y a aussi des facteurs socioculturels. Ces facteurs, qu’ils soient biologiques ou psychologiques soient socioculturels rendent la maladie à des proportions diverses.
Où est la place du schizophrène ? Dans la société, la rue ou dans un centre aménagé pour la cause ?
Le schizophrène est une personne qui souffre d’une maladie chronique. Une fois pris en charge sur le plan médical, psychothérapeutique, et une fois que sa famille est bien informée, les symptômes régressent généralement, au point où vous allez vous retrouver en face d’un schizophrène qui ne présente plus de symptômes. Il a une vie normale au sein de la famille et dans la société. Avec un bon suivi, il guérit. Je connais des schizophrènes qui ont repris leurs études, qui ont eu des diplômes, et qui ont même été insérer professionnellement. Il y a plusieurs formes de schizophrènes, mais il y a toujours des moyens pour les soigner.
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