Cameroun:Les malades mentaux sont dangereux
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Les malades mentaux sont dangereux ; ils doivent être castrés ; ils ne devraient pas cohabiter avec les personnes normales…Pour les spécialistes, ce ne sont que des préjugés. D’ailleurs les malades mentaux ont des droits.

«Je n’oublierai jamais ce jour où je rentrais des cours à l’Université de Douala avec des amis. Un fou venait en sens inverse. Il s’est arrêté net devant une étudiante qui cheminait seule et lui a fait un baiser sur la bouche. Il a poursuivi son chemin comme si de rien n’était et la fille est restée sur place pendant une bonne dizaine de minutes pour comprendre ce qui lui est arrivé», se souvient Priscille, étudiante à l’Université de Douala. La scène qu’elle raconte remonte à cinq ans, soit 2010. «Il y a un fou qui avait l’habitude de me proférer des injures, des menaces et de ramasser ma marchandise. Il a fallu qu’un jour une maman qui vend des bananes mûres non loin de moi le mette en garde pour qu’il ne passe plus me déranger», raconte Esther. Les expériences pas réjouissantes avec les malades mentaux sont multiples. Et les «victimes» en gardent un sentiment de peur. Francine pense dur comme fer que «les fous sont dangereux. Je travaille à Akwa et je les vois déambuler dans la rue en toute liberté. Moi j’ai peur. J’espère au moins qu’ils sont castrés.» Le schizophrène est-il un danger public ? Qui de plus indiqué qu’un spécialiste de la question pour nous répondre. Dr Jean Pierre Kamga Olen est le chef de service de psychiatrie à l’hôpital Jamot à Yaoundé. Ce lundi 18 mai 2015, le rencontrer à son lieu de service est une autre paire de manche. Le reporter attendra de 10h à 17h pour être reçu. C’est que le docteur se doit de faire la ronde de l’hôpital, recevoir les patients qui ne désemplissent pas. Il doit également s’entretenir avec deux confrères psychiatres qui viennent de l’Europe. Et ça prend du temps. Ouf ! Le reporter est reçu. In fine. A la question de savoir si le schizophrène est un danger pour la société, Dr. Jean Pierre Kamga Olen répond : «Classiquement

les malades mentaux ne sont pas violents comme on pourrait le penser. On ne devrait pas avoir peur d’eux. Il y a ce qu’on appelle les proportions. Quelle est la proportion de ces malades qui posent des actes délictueux ? C’est infime.»

Un Homme à part entière

Le docteur Kamga précise : «La maladie qui semble beaucoup plus correspondre à ce qu’on appelle communément la folie, c’est la schizophrénie. C’est un malade qui vit comme dans son monde. Il parle tout seul dans la rue, passe des mois sans se laver, il est vraiment crasseux. Il mange dans les poubelles, il a tendance à quitter son lieu habituel de résidence pour séjourner dans la rue. C’est ça la schizophrénie. C’est une maladie mentale majeure et chronique.» Comment ne pas donc avoir peur de lui ? «Il est apparu, dans notre société, les cas des malades mentaux ayant exercé des formes de violences physiques (bastonnade, gifle, coups de poing, etc.) sur certaines personnes ou ayant, a contrario, produit des types de violences symboliques (insultes, quolibets, railleries, vociférations, clichés, etc) sur d'autres. Eu égard à ces actes désobligeants et indécents des malades mentaux, certaines personnes éprouvent une peur permanente de cette catégorie sociale. Et c'est d'ailleurs compréhensible», nuance Serge-Aimé Bikoi, sociologue du développement. Le psychiatre n’en dit pas moins. Il explique que la violence, l’agressivité peuvent être l’expression de la maladie mentale. «Mais en générale, si on prend le cas des schizophrènes, de façon spontanée, ils ne s’attaquent pas aux personnes. Ils réagissent face aux comportements des autres. Mais il y a des phases. Si le malade entre dans la phase féconde ou période aigüe de la maladie, ça se manifeste par des formes de violence et d’agressivité. Quand cela survient, il y a des services qu’il faut vite informer, la police, les sapeurs pompiers qui disposent de moyens pour venir neutraliser en douceur ces personnes dans la rue et les orienter vers un service de psychiatrie.» Lui qui travaille avec les

personnes qui souffrent du trouble de comportement, est convaincu qu’elles sont des Hommes à part entière. Même si elles ne sont pas responsables de leurs actes. Penser un laps de temps à les castrer-comme l’a mentionné Francine- serait un délit. «Un malade mental est d’abord un Homme qui jouie de tous ses droits fondamentaux. Il n’est inscrit nulle part dans les traités internationaux et code de loi que le malade mental perd certains de ses droits fondamentaux. C’est maintenant à la société de mener un questionnement.» Dr Kamga accuse la société de fuir ses responsabilités.

Cadre juridique

La fugue est un symptôme de la folie. Le malade peut quitter d’une ville à l’autre, à l’insu de sa famille. Et c’est ainsi qu’il erre dans les rues. Les maladies mentales où bien la psychiatrie qui concerne la branche de la médecine qui s’occupe de ces maladies «a toujours été le parent pauvre de la médecine, regrette le psychiatre. Ce n’est pas seulement au Cameroun ni en Afrique, mais dans les pays du nord également. Les Etats-Unis sont l’un des pays où il y a plus de malades mentaux qui errent dans la nature. Donc c’est un problème qui se pose dans presque toutes les sociétés. Il revient maintenant à chaque société de s’assoir pour trouver des stratégies.» Le fait est que «retirer les schizophrènes de la rue, prendre soin d’eux, les hospitaliser nécessitent des moyens financiers, du personnel, du matériel, mais avant tout un cadre juridique. Il faudrait que l’Etat vote un budget annuel pour la question. Ce qui ne peut être fait que s’il y a un cadre juridique. C’est ce que les autres pays qui ont eu des avancées en santé mentale ont fait. C’est le cas du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso entre autres qui disposent d’une loi en santé mentale. La loi du Sénégal date de 1975.» Il faudrait pour cela une bonne dose de volonté politique. C’est ce qui manque le plus. Puis, suivra un travail multisectoriel qui inclura les ministère de la Santé publique, des Affaires sociales, de la Promotion de la Femme et de la Famille, de la Justice. Aussi, la Communauté urbaine et les municipalités, la société civile, il y a même le ministère de la Justice. Le Cameroun a besoin de ce cadre juridique qui permet d’encadrer ces personnes qui vivent dans la rue. Bien pris en charge, la guérison suit, rassure le spécialiste.

© Camer.be : Valgadine TONGA

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