Suivi des projets structurants, les élites manquent elles à l’appel ?
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Tintamarres, bousculades échevelées, il faut du muscle ou de l’entregent pour obtenir une invitation aux cérémonies de pose de premières pierres en présence du « Nomgii ». Faire partie de ce happy few, se mouvoir dans les écuries présidentielles où se distinguent uniquement les dignitaires de haut rang, les princes et consorts, les chefs de tous degrés et les élites locales, est devenu un must. Les discours de remerciements vont pleuvoir pour rendre grâce au Chef de l’Etat d’avoir pensé à offrir à la localité, une infrastructure de haute technologie. Venez donc plusieurs mois après, faire le tour en ces mêmes lieux qui ont accueilli les festivités présidentielles d’inauguration.

Vous découvrirez une luxuriante végétation galopante qui a repris ses droits sur les voies provisoirement aménagées, ainsi que le jaillissement des racines et ronces qui perforent les minces couches de pouzzolane. Quant à la tribune officielle provisoire, elle est souvent devenue un poulailler ou une bergerie de circonstance où quelques espèces animales domestiques viennent se protéger de la pluie ou trouver ombrage en temps de fortes chaleurs. Atteindre ce lieu en saison de pluie relève d’un véritable gymkhana qui ne semble nullement émouvoir les autorités administratives, les élus et les élites du coin.

C’est normal chez nous, les routes non bitumées sont éternellement défoncées et impraticables. On doit accepter cela et surtout ne rien dire et ne rien faire. Tout ceci en dit long sur l’hypocrisie de tous les puissants citoyens de ces localités. On vous raconte en guise de discours touristique, de présentation de la région, que les forêts vierges qui encerclent la piste que vous frayez sont la propriété d’un tel, noble baron de ce coin reculé, de la République, qui règne sur ses terres en Seigneur absolu. C’est lui qui désigne les paysans enguenillés, vivant dans des cases en banco, aux postes hautement convoités de Président du comité de base.

Chacun joue au « Paul BIYA local, là où il peut ». Piètre spectacle qui dessert la classe politique toute entière, qui ne rate jamais une occasion pour montrer qu’elle ne vit que pour se servir, et jamais pour servir. La grande réalisation n’a d’intérêt que lorsqu’elle vous nourrit ou nourrit vos ambitions. On est bien obligé d’en faire le constat. Quand le journaliste cherche à en savoir un peu plus, on a vite fait de lui envoyer un « DAK » ou un béret rouge. En pareils territoires, les maîtres détestent toute question dérangeante sur des concessions milliardaires, construites au milieu de nulle part, enfin au milieu de l’immense pauvreté dont on est issu.

Certains sont nés sous des palmiers, dans un champ, ou une cacaoyère. Ce qui veut dire qu’ils sont venus au monde sans aucune richesse. Fulgurance par un coup de baguette magique, un décret, une nomination les transforme en pacha de leur no man’s land. Tiens, on aperçoit les maisons de pauvres, celles du reste de la famille ou du clan familial et on retourne dans le vrai, la réalité. Deux chiens squelettiques saluent de leurs aboiements notre caravane de véhicules climatisés. Quelques bambins aux torses nus s’ébrouent devant des chaumières en toits de raphia d’où s’échappe une fumée épaisse. Quelques femmes s’écartent du passage pour laisser passer les véhicules, le dos courbé par le port de corbeilles de provisions sur le dos et des fagots de bois sur la tête.

Des hommes, machettes sous le bras, essaient de deviner, par des froncements de sourcils, quels sont les messires qui se cachent derrière les vitres teintées, des bolides qui passent. On a souvent l’impression que le temps s’est arrêté en ces lieux de notre pays, malheureusement nombreux. Un décor qui semble immuable depuis nos jeunes années, et qu’on s’ingénue à perpétrer, par notre incapacité, nos égoïsmes, notre aveuglement à voir l’intérêt collectif avant la satisfaction individuelle. Quelle élite peut nous donner l’état de la mise en oeuvre des projets structurants de sa localité?

Egoïsme quand tu nous tiens.

© Source : The Spark

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