Ebolowa : L’élève qui a tué des parents pour s’enrichir
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David Obam, 19 ans, est accusé d’avoir assassiné ses deux cousins. Passé aux aveux sans remords, il dit avoir commis ce forfait pour devenir riche.

Le téléphone sonne, une femme éplorée décroche. Elle éclate en sanglots, puis, force une réponse en larmes : « quand tu as posé ton acte, tu croyais que qui allait te nourrir là-bas ? Oh mon fils, tu me couvres de honte !» Poursuivant en larmes, elle élève une prière : « Seigneur, accorde-le moi, accorde-moi de l’oublier ; d’où viennent les meurtres dans ma famille ? Comment est-ce que les gens de la famille vont désormais me regarder ? » Ce mercredi, 06 mai 2015 à 13 h 20 mn, au quartier Base Razel à Ebolowa-Si 2, couchée sur un divan de sa maison en planches, Annie Eboundane, 38 ans, mère de cinq enfants, bayam sellam au marché du même quartier, vient de recevoir un coup de fil.

Celui de son fils gardé à vue  depuis lundi, 04 mai 2015 à la division régionale de la police judiciaire d’Ebolowa, pour meurtre. David Obam, 19 ans, élève en classe de 4ème au collège les Bâtisseurs d’Ebolowa, avoue, sans remords, l’assassinat de Mirice Mpenya, 20 ans, et de Mvondo Artur, 22 ans. Les deux victimes sont des membres directs de la famille de l’assassin. Ce sont les enfants de sa tante. David Obam appelle sa mère depuis le commissariat de la division régionale de la police judiciaire du Sud où il est gardé à vue, pour que sa génitrice lui apporte à manger. Il a déjà faim, car depuis son interpellation lundi, 04 mai 2015 par la police, il n’est pas bien nourri.

Ce mercredi après-midi, au domicile de la mère se ladolescent, règne un climat de deuil, de tristesse et de souffrance. Annie Eboundane, sa mère, s’exprime avec beaucoup de peine pour parler de son fils aujourd’hui accusé de meurtre. Elle raconte en écrasant de temps à autre une larme : « Mon fils ne fume pas, ne boit pas d’alcool ; il n’a pas de petite amie connue. Ce que je sais seulement, c’est qu’il aime beaucoup les balades et je le lui ai souvent reproché, lui disant que là bas dehors, quelque chose de grave pourrait lui arriver, et de faire attention. Il y a également les mauvaises compagnies, mais, lui, ne m’écoutait guère ». La mère poursuit : « Parfois, il sortait le matin pour rentrer tard dans la soirée ; il est paresseux et n’aime pas le travail ». Cette année scolaire, David Obam a été inscrit au collège les Bâtisseurs, un collège privé laïc de la ville d’Ebolowa.

Influence démoniaque

Pour la scolarité, sa mère a dû débourser la rondelette somme de 90.000 F.Cfa pour voir son fils intégrer la classe de 4ème dans cet établissement scolaire. Auparavant, l’élève a été renvoyé de tous les établissements scolaires où il a été inscrit depuis la classe de 6ème, témoigne un cousin de l’élève aui assume son crime. « Il a été renvoyé chaque fois pour indiscipline caractérisée et pour mauvais résultats », précise notre source. Ce fut respectivement le cas au lycée d’Ebolowa rural, au lycée technique d’Ebolowa, au lycée technique de Mengong, au collège de Référence de l’Amitié et au collège les Bâtisseurs.

David Obam est connu pour avoir des mains un peu trop baladeuses. « Partout où il se rendait, il était toujours accusé de vol », dit le cousin. Un témoignage que confirme Annie Eboundane, la génitrice. Elle pense néanmoins que son fils n’était pas conscient quand il commettait le crime. Elle confie en effet que David avait des comportements bizarres. Il faisait des cauchemars et se plaignait régulièrement de la présence de mauvais esprits dans ses rêves. Bref, la mère croit plutôt à la thèse d’une action démoniaque au travers de son fils. La mère croit que son garçon était sous l’influence du diable au moment des faits. Elle souhaite donc, s’il était possible, que son fils soit exorcisé. Malheureusement, le crime a été commis, David est gardé à vue, considéré comme l’auteur du crime et attend désormais la sentence des juges.

Et même s’il n’était pas privé de liberté, Annie, la mère elle-même, reconnait que les affaires d’Eglises n’intéressaient pas déjà son fils. A chaque fois qu’il était invité à se rendre aux séances de prières pour l’exorciser, le jeune homme refusait et s’occupait à d’autres choses. Des choses plus mondaines, à l’instar des sorties avec des amies pour des destinations toujours inconnues des parents. « Il n’aimait jamais aller à l’église », martèle le cousin.

Le crime

Mais que faisait-il donc avec un Nouveau Testament au moment de son interpellation ? Les avis sont partagés. Un proche pense que c’était pour une méditation à des fins magiques, avant de passer à l’acte. Au moment de son interpellation et même depuis sa garde à vue à la division régionale de la police judiciaire du Sud, le principal suspect ne s’est pas séparé du livre sacré. Dimanche, 03 mai 2015 au quartier Adoum Soir, à Ebolowa, il est 13 h 00. David a quitté la maison familiale à Ebolowa-Si Base Razel, où vit sa mère, mariée à un autre homme avec qui elle a eu quatre autres enfants.

Le garçon est allé s’installer chez sa grand-mère, qui partage la même maison avec une autre de ses filles. Suzanne Bikomo, 49 ans, tante de David, vient de préparer du poisson, du manioc et des feuilles de manioc. Un repas pour une réunion à l’église. Tous ses mouvements sont suivis par David. Après avoir prélevé la part destinée à ses coreligionnaires, Suzanne laisse une partie du repas pour la famille. Elle transporte le repas de ses co-paroissiens à la chapelle de Monelam, un village voisin où sont réunis les membres de l’Eglise.

David est à la maison avec ses cousins. D’après ses propres aveux, il est entré dans la chambre de sa grand-mère et a pris le raticide dont elle se sert contre les souris. Puis, il est entré dans la cuisine familiale, sans que Artur Mvondo, son cousin, étalé sur une natte et écoutant de la musique sur son téléphone, ne se doute de rien. La petite cuisine étant divisée en deux pièces, une pièce principale pour le séjour et l’autre, plus petite, pour les foyers et les marmites de nourriture. Les deux pièces sont séparées par un mur et reliées par une ouverture sans porte. Son cousin étant dans la pièce principale, discrètement, David Obam va vers les marmites de nourriture. Là, il ouvre la marmite de kpwem (feuilles de manioc pilées), il tient dans sa main, les granulés noirs qu’il veut verser dans la marmite de nourriture. Il se met à trembler et rentre dans sa chambre qu’il partage avec sa grand-mère.

La bible

Il ramasse un exemplaire du Nouveau Testament, lit quelques passages du livre et ressort. Entre-temps, son cousin Artur est allé prendre une douche ;la voie est donc libre, puisque plus personne ne se trouve à la cuisine. David s’introduit dans la pièce et se dirige une fois de plus vers la marmite. Cette fois, sans trop hésiter, il asperge la nourriture de granulés, un poison très puissant composé pour tuer les souris. Il rentre dans la chambre. Quelques instants plus tard, son cousin Artur ayant terminé sa toilette, se dirige dans la cuisine, très affamé. Il se sert sans se douter que la marmite de kpwem est empoisonnée.

Il commence à manger et invite David avec qui il a l’habitude de manger, de partager son repas. A sa grande surprise, son cousin décline l’offre, prétextant avoir du riz à manger. David va se servir du riz qu’a laissé sa grand-mère dans la chambre et vient s’assoir dans la cuisine, face à son cousin Artur qui déguste son repas empoisonné. Il le regarde avaler le poison et, à la fin du repas, il l’invite à une balade dans un village voisin. A leur départ, Mirice Mpenya, 20 ans, soeur d’Artur et cousine de David, arrive elle aussi à la cuisine. Elle a également une faim de loup. Sans se soucier de quoi que ce soit, elle va directement se servir dans la marmite de kpwem et réserve le poisson pour le soir. Elle finit de manger.

A Azem, village voisin où sont partis David et Artur, ce dernier commence à ressentir un malaise. Il a très mal au ventre et il vomit abondamment. Puis, c’est la convulsion. Les concoctions des villageois n’y feront rien, il est d’urgence transporté à l’hôpital régional d’Ebolowa. En traversant la concession familiale pendant qu’Artur est transporté à l’hôpital, ce sont les pleurs au quartier, Mirice vient de rendre l’âme.Artur, son frère, ne va pas non plus tarder à retrouver sa soeur dans l’au-delà. Les deux corps sont déposés à la morgue de l’hôpital régional d’Ebolowa dans la même journée.

Les commentaires fusent de partout. David ne fuit pas, croyant être à l’abri de tout soupçon. Le chef du village ordonne que l’on fouille la maison, on n’y trouve rien. Un villageois témoigne qu’il a vu David dans la concession tout au long de la journée et l’on sait dans le village que sa grand-mère détient un raticide. David est fouillé et l’on retrouve sur lui un sachet de granulés mortels. Il est neutralisé et passe aux aveux sans remords, en présence de la police. David raconte qu’il y a quelques jours, il a rencontré un ancien camarade du lycée technique d’Ebolowa devenu très riche. Il lui a demandé comment il a procédé pour devenir subitement si riche et propriétaire de belles voitures. Le camarade lui aurait alors répondu : « C’est simple, va et tue au moins trois membres de ta famille et je ferai le reste. » Après avoir commis son forfait, il est à présent honni par la société. Même sa propre mère n’ose plus vouloir lui rendre visite. Inconsolable, elle continue de pleurer : « mon fils, tu m’as couverte de honte, que Dieu m’aide à t’oublier. »

© Le Jour : Jérôme Essian

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