« Quand le lion se meurt » de Jean Bruno Tagne : Bonnes feuilles
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Le Cameroun a rendez-vous le 8 septembre 2013 au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé avec la Libye dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2014. Les Lions Indomptables prennent leurs quartiers au Centre de l’excellence de la Confédération africaine de football (Caf) à Mbankomo, une banlieue de Yaoundé. Un petit joyau architectural offert à son pays par Issa Hayatou. Après la séance d’entraînement du 4 septembre au cours de laquelle on voit se dessiner le 11 qui débutera contre la Libye quatre jours plus tard, Samuel Eto’o demande à s’entretenir avec le coach. « Ok, pas de problème. Ce soir après le diner », répond Finke. Le soir, il retrouve le sélectionneur dans sa chambre. Il commence par saluer la qualité du travail. Mais, il y a un hic, selon le « 9 ». Il a un problème avec le classement probable du coach contre la Libye.

Comme il ne fait jamais les choses moitié, Eto’o est porteur de son propre classement à lui qu’il souhaite faire accepter par le sélectionneur. Jusque-là, pas de problème sur le principe. Après tout, il est le leader. Sauf que, dans son classement, cinq joueurs ne font pas partie des choix de l’Allemand. Ils n’ont aucune chance d’être alignés. « Je suis un responsable dans ce pays, fait Samuel Eto’o, quand il voit la surprise du coach Finke. Si le Cameroun ne gagne pas, c’est Samuel Eto’o qui sera responsable. Il faut faire le classement comme je le dis. »

La discussion entre les deux hommes est dure. Personne ne veut lâcher ses positions. Volker Finke trouve une parade. «Ok, Samuel, dit-il. Je vais en parler avec Ibrahim Tanko [son adjoint] et il va me dire ce qu’il en pense. Nous avons un match à l’entraînement demain et après cela je vais décider de ce qu’il y a à faire. Chacun doit jouer son rôle, c’est comme ça. » Eto’o retourne à sa chambre et Finke reste dans la sienne. Le lendemain jeudi 5 septembre 2013, les Lions ont une séance d’entraînement au stade Ahmadou Ahidjo. Samuel Eto’o commence à bouder lorsque le coach fait le classement.

Il se rend compte que Volker Finke est resté campé sur les choix de la veille. Dès lors, Eto’o n’a plus le coeur à l’ouvrage. Il fait la tête. Six ou huit minutes après le début du match que les joueurs se livrent entre eux, il simule une blessure et quitte le terrain. Le soir, il envoie le gendarme qui lui sert de Bodyguard14 appeler le coach. Celui-ci lui rétorque que, si le capitaine veut le voir, qu’il se déplace et que ce n’est pas à lui d’aller vers son joueur. Le servile gendarme fait la commission sans discuter. Samuel Eto’o a le visage défait quand il vient voir le coach. Il semble bien préoccupé. « Vous êtes le premier à qui je l’annonce. Je mets fin à ma carrière internationale. C’est bon comme ça. J’arrête », dit-il. Cette annonce tonitruante a lieu quelques minutes avant une de ces traditionnelles visites bidons du ministre des Sports dans la tanière, soi-disant pour apporter aux Lions « le soutien et l’encouragement des pouvoirs publics ».Adoum Garoua est le deuxième à qui Eto’o annonce la « triste » nouvelle. Le ministre panique et entreprend dès lors des démarches pour que le capitaine revienne sur sa décision qui ressemble fort bien à un chantage.

Le coach, quant à lui, demande au joueur d’aller se coucher et de se calmer, et qu’une décision aussi grave ne se prend pas sur un coup de tête. « Tu es emporté par la colère Samuel, parce que tu as observé ce matin à l’entraînement que je n’ai pas l’intention de changer mon plan de jeu. Je te comprends. Il faut bien réfléchir avant d’agir. Je suis convaincu d’au moins une chose ; toi et moi voulons le meilleur pour les Lions Indomptables. Mais, calme-toi et tout ira bien», lui conseille le sélectionneur. Ces paroles que Finke croit sages ne touchent pas le cœur en feu de son capitaine. Il insiste pour que le classement soit changé, mais Finke ne cède pas. « Ok. C’est fini avec l’équipe nationale », martèle la vedette des Lions Indomptables.

7 septembre 2013. Veille du match. Les deux équipes ont jusqu’à 18 h pour déposer la composition des équipes retenues au commissaire du match. Tous les joueurs ont donné leurs passeports à Rigobert Song, le Team manager. Sauf Samuel Eto’o. Lequel a pris son bâton de pèlerin pour faire le tour de quelques ministres de la République avec lesquels il partage une certaine complicité. L’objectif est de faire pression sur le coach afin qu’il accepte ses desiderata. C’est seulement vers 20h que le gendarme obséquieux d’Eto’o va rencontrer Rigobert Song. Il est porteur du passeport du « 9 ». Le coach et Rigo se disent que Samuel Eto’o a changé d’avis. Il veut donc jouer.

Tant mieux. Entre temps, le délai pour la communication de la liste des joueurs est passé. Eto’o ne doit en conséquence pas prendre part à la rencontre. Il est en quelque sorte forclos. Mais, on est au Cameroun. Rigobert Song s’est opportunément lié d’amitié avec le commissaire du match de nationalité malienne. Ils s’offrent des godets au bar de l’hôtel Mont Fébé en charmante compagnie. Le Malien ne voit pas le temps passer. On s’occupe bien de lui. Volker Finke va voir Eto’o dans sa chambre avec son passeport. Le gendarme-toutou du capitaine est là, presqu’au garde-à-vous. Finke lui fait savoir que la liste est close et qu’il n’est plus possible pour lui de jouer. « J’ai une mission. Je suis un soldat au Cameroun et tout ce que je fais c’est pour mon pays », dit le capitaine en bombant le torse tout en frappant la main sur la poitrine. Il propose un compromis au coach ; il souhaite commencer la partie sur le banc de touche et ne rentrer qu’en cours de jeu. Cette idée ne passe pas dans la tête du sélectionneur.

« Ce n’est pas possible. Soit tu commences le match et joues jusqu’au bout de tes forces, soit, on annonce que tu es blessé et tu ne joues pas du tout. Je ne peux pas te garder sans raison sur le banc de touche. 30 minutes après le match, quand la foule va commencer à crier Eto’o, Eto’o, ce ne sera pas bon pour les autres joueurs. Il n’y a que les deux options que je viens de te proposer », insiste Finke. « Ok. Dans ce cas, cela signifie que je ne joue pas ce match », s’énerve le capitaine. Il se retourne vers son gendarme posté dans la chambre comme un piquet. Il sermonne le lieutenant. «Qui t’a demandé de donner mon passeport au Team manager ? Récupère-le immédiatement ! »

Le toutou arrache le passeport des mains de Finke, qui quitte la chambre d’Eto’o. La scène se déroule entre 20h et 21h. 23h. Quelques rares noceurs occupent encore le bar du Mont Fébé. Même quelques filles de joie qui trainaient sont parties. Finke, lui, a regagné sa chambre. Soudain, on frappe. C’est le gendarme toutou. Il tend le passeport au coach qui a les yeux ensommeillés. Il reprend le document de voyage. Vers 2h du matin, il décide de refaire une autre feuille de match, cette fois avec le nom de Samuel Eto’o. Rigobert Song va voir le commissaire avec le nouveau document. Le Malien rechigne un peu, mais finit par le prendre. Seul problème, il faut la signature du capitaine devant son nom. Rigo est déjà épuisé par les nombreux va-et-vient entre le bar, la chambre d’Eto’o et celle du sélectionneur. Surprise : le capitaine n’est pas dans sa chambre.

A 2h du matin, la veille d’un match. Il n’est même pas dans l’hôtel. C’est seulement vers 4h du matin qu’il revient et signe sur la liste. Le commissaire du match a été bien gentil. Il faut croire qu’on s’est vraiment bien occupé de lui...

© Source : Le Jour

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