Non à l’appel lancé aux Camerounais pour faire des dons à l’armée
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Non à l’appel lancé aux Camerounais pour faire des dons à l’armée :: CAMEROON

Depuis quelque temps, le peuple camerounais n’arrive plus à respirer parce que les ennemis de la démocratie, du progrès et de la patrie le somment de faire des dons en espèces et en nature à l’armée qui est aux prises avec la secte islamiste nigériane Boko Haram. Pour justifier ce harcèlement, ils s’appuient sur le fait que le monarque Biya, chef de l’armée et de la police, a donné son agrément à la collecte des dons. D’ailleurs, il a ouvert un compte à cet effet. Cet homme que ses thuriféraires faisaient passer pour un pacifiste a entraîné le Cameroun dans une guerre qui est l’expression de la crise nigériane. Ils disaient avec forfanterie qu’il avait fait de notre pays un havre de paix. Le choix qu’il opéra face au différend à propos de la péninsule de Bakassi était l’argument phare qu’ils avançaient pour étayer leur assertion. D’aucuns étaient allés jusqu’à claironner qu’il méritait le Prix Nobel de la Paix. Même ici à Bamenda, j’avais vu des banderoles réclamant cette prestigieuse distinction pour lui. 

Mais ses partisans ont toujours fait le black-out sur sa participation au génocide des Bamilékés, la fosse commune de Mfou où furent jetés les corps des mutins abattus lors du coup d’Etat manqué du 06 avril 1984, les milliers de patriotes massacrés durant les « années de braise », les centaines de victimes de février 2008. En février dernier, ils ont organisé des marches de soutien aux forces armées pour éclipser les cérémonies en souvenir des citoyens tombés sous les balles de ces forces armées lors des émeutes de la faim. 
Biya avait commencé sa carrière politique par la guerre, et il est en train de la finir par la guerre. Par conséquent, ceux qui le présentent comme un homme de paix se gourent.
En déclarant la guerre au Boko Haram, Biya s’est rendu coupable de haute trahison. Oui, il a trahi le Cameroun, car la devise de notre pays est « Paix, Travail, Patrie. » Ladite devise interdit à tout patriote de soutenir la guerre. Du coup, ceux qui font des dons en argent ou en nature aux forces armées du Cameroun trahissent automatiquement le pays. Notre devise nous oblige à être pacifistes. Le dictateur avait lui-même déclaré en mars 1986 au congrès de Bamenda qu’il s’agit, « par la diversification de nos échanges économiques et culturels, d’étendre aux confins de tous les territoires habités par les peuples de bonne volonté, le message fraternel d’unité et de paix du peuple camerounais. » Si Biya aimait ce peuple, il ne l’aurait pas fourvoyé.

Ce n’est pas la première fois que son régime exploite la crédulité du peuple. Lorsqu’on sait que le budget du ministère de la Défense a toujours été parmi les trois les plus élevés, lorsqu’on sait que la menace dont il est question est circonscrite à la Région de l’Extrême-Nord, on peut affirmer sans risque de se tromper que l’appel à la générosité publique lancé par les dirigeants politiques vise des fins inavouées. Les Camerounais ont-ils oublié l’opération « coup de cœur » de 1994 ?  Ne se souviennent-ils pas des propos du ministre Augustin Kontchou Kouomegni selon lesquels les dons qu’ils avaient versés pour soutenir l’équipe nationale de football s’étaient volatilisés dans un appareil entre Paris et New-York ?

Il est avéré que Biya et sa bande avaient également détourné des aides destinées aux rescapés de la catastrophe du lac Nyos survenue dans la nuit du 21 août 1986. Il avait fait appel à la solidarité nationale et internationale. Dans la suite, les aides matérielles et financières affluèrent. D’après le dernier rapport du Comité National de Réception et de Gestion des Secours d’urgence aux sinistrés, les dons en espèces s’élevèrent à 1.648.998.609 FCFA ! (Un milliard six cent quarante-huit millions neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille six cent neuf). Il est important de souligner que c’était avant la dévaluation de notre monnaie. Le gouvernement nigérian offrit près de 200.000.000 FCFA (deux cent millions), en plus 500 tonnes de riz, 500 tonnes de maïs et 5000 couvertures ! Il était suivi directement par le Gabon et le Japon qui remirent chacun un chèque de 100.000.000 FCFA (cent millions) au comité susmentionné dont le président n’était nul autre que Jean-Marcel Mengueme qui exerçait alors la fonction de ministre de l’Administration territoriale. Il devait son ascension sociale au rôle qu’il avait joué dans le génocide des Bamilékés. Il avait en effet précédé Gilbert Andze Tsoungui dans la fonction d’inspecteur fédéral pour l’Administration de l’Ouest.

Les survivants de la catastrophe du lac Nyos ignoraient que leur destin était entre les mains de Ponce Pilate nommé par Lucifer. La supervision des opérations de secours d’urgence fut confiée au général James Tataw, un autre acteur du génocide des Bamilékés. Une bonne partie des aides matérielles en provenance de l’étranger disparut entre l’aéroport de Douala et la base militaire de Koutaba, le port de Douala et Bamenda, l’aéroport de Yaoundé et Koutaba, Koutaba et Bamenda, Bamenda et Wum, Wum et les camps des rescapés.

Mais le détournement de l’argent et du matériel destinés aux victimes de la catastrophe fut le couronnement d’un processus machiavélique, puisque le diable Biya avait reçu une somme faramineuse de l’Etat hébreu avant de lui donner son feu vert pour le test de l’arme de destruction massive qui provoqua l’explosion du lac Nyos. Le premier essai avait eu lieu deux ans auparavant dans le lac Monoun près de Foumbot. Mais l’incident qui s’en suivit passa presqu’inaperçu, car il y eut seulement 37 morts. En effet, Biya est un petit rusé. Il arnaque son peuple et la communauté internationale avec une facilité déconcertante. J’ai eu à visiter les camps où les rescapés de la catastrophe du lac Nyos ont été installés, et je me suis demandé pourquoi Dieu, qui est pourtant un être bon, a créé Biya. Les dirigeants qui avaient déjà rougi leurs mains dans le sang ne pouvaient que rendre la vie infernale aux sinistrés et à leurs descendants. Il n’y a ni eau courante ni électricité dans les camps. Les habitations sont crépies uniquement à l’extérieur, leur sol n’est pas cimenté, leurs chambres sont exigües. Ces habitations sont de véritables installations en trompe-l’œil. Mais certains pans de mur sont déjà tombés, d’autres ont perdu leur aplomb et sont soutenus par des pièces de bois. Tous les logements sont en brique. Aucune des voies qui mènent aux camps n’est bitumée. Pire, certaines ne sont pas carrossables. La promiscuité, les mauvaises conditions d’hygiène et la misère règnent partout. Si le gouvernement vous dit qu’il vient souvent en aide aux rescapés et à leurs descendants, dites-lui que c’est la contrevérité.

Nous sommes dans un pays dont les dirigeants n’ont qu’un seul objectif : s’enrichir sur le dos du peuple. Tous les moyens leur sont bons pour parvenir à leurs fins. Leur activité favorite c’est la malversation. Le monarque Biya et ses acolytes saignent le peuple à blanc pour continuer à vivre dans l’abondance et conserver le pouvoir. C’est le sens qu’il faut donner à l’appel au soutien de l’effort de guerre avec lequel ils nous bombardent.

Biya a pris tout le sixième étage de l’Hôtel Intercontinental de Genève en location. La Suisse est le pays où les prestations de service sont les plus chères au monde. C’est justement sur un hôtel de grand luxe de ce pays d’Europe que notre cher président a jeté son dévolu. Chaque année, le bailleur prélève le loyer de ses suites directement sur l’un de ses nombreux comptes bancaires. Ce qui est révoltant, c’est qu’il règle ses factures avec l’argent du contribuable camerounais. 

Il est prouvé que Biya recourt entre autres aux sectes pour se maintenir au pouvoir. Il est d’une grande générosité envers elles. Le problème est qu’il les finance aussi avec l’argent du contribuable. L’un de ces cercles ésotériques est non loin de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique. Son insigne resplendit sur la barrière de la villa qu’il occupe. Charles Ateba Eyene a été liquidé parce qu’il pointait le doit sur certaines pontes du régime qui appartiennent aux réseaux obscurs. Seulement, l’écrivain et membre du comité central du parti au pouvoir n’avait jamais eu le courage de citer Biya.

Ce dernier va certainement utiliser un partie des dons que les Camerounais sont en train de lui faire pour acquérir des armes qui lui permettront de renforcer le dispositif de la garde présidentielle et des autres subdivisions des forces de l’ordre. Eu égard à l’élection présidentielle de 2018 qui pointe à l’horizon, il se sert de la lutte contre le Boko Haram pour mobiliser les moyens qui lui permettront de réprimer aisément toute manifestation contre sa candidature. C’est dans le même dessein qu’il a promulgué le 23 décembre dernier la fameuse loi portant répression des actes de terrorisme – loi qui, dans son article 2, alinéa 1, punit de la peine de mort « celui qui, à titre personnel, en complicité ou en co-action, commet tout acte ou menace d’acte susceptible de causer la mort, … d’occasionner des dommages corporels ou matériels, … dans l’intention : a) d’intimider la population, de provoquer une situation de terreur … ; b) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations; c) de créer une insurrection générale dans le pays. » La syntaxe de ce texte est compliquée. Un acte discuté et adopté par le Parlement doit être rédigé dans un langage et un style clairs pour éviter que l’exécutif et le judiciaire ne l’interprètent de façon abusive. Mais il n’y a pas de régime démocratique au Cameroun. Par conséquent, on ne saurait parler de séparation des pouvoirs. C’est le chef de l’exécutif qui décide de tout. Chaque projet de loi qu’il charge son gouvernement de déposer au Parlement passe comme une lettre à la poste. Le Tribunal militaire est la seule juridiction à laquelle la loi liberticide du 23 décembre 2014 confie la répression des actes dits de terrorisme. Elle rappelle l’ordonnance du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. Le pays est passé d’une tyrannie à une autre. L’objectif principal du démagogue Biya est donc de parer à toute éventualité. Il battra les Camerounais sur leur propre terrain s’ils ne cessent pas de faire des dons à l’armée.

Comme je l’ai dit, le budget du ministère de la Défense est largement suffisant pour empêcher le Boko Haram de mener des actions à l’Extrême-Nord. Même si l’ensemble du territoire national était affecté, il ne serait pas nécessaire de faire appel à la générosité publique. La mission principale des forces armées est de sécuriser les citoyens. Elles doivent remplir cette mission comme s’il n’y avait rien de plus naturel. Au lieu de soutirer l’argent à un peuple qu’il a enfoncé dans la misère, le régime de Biya aurait dû trouver une organisation ou une personnalité charismatique pour amener les parties en conflit au Nigéria à la table des négociations. S’il n’était pas question de dons, je demanderais au régime de restituer ceux qu’il a déjà collectés. Le Cameroun étant un pays dont une partie de la population appartient à l’Islam, il est incongru, pour des convenances personnelles, d’amener les citoyens dans une voie susceptible de mettre la cohésion nationale en péril.

Paul Biya doit savoir que la tyrannie a des limites. Quand un peuple décide de prendre son destin en main, il balaie le tyran avec les instruments juridiques, politiques et militaires dont il s’est doté. La chute de Blaise Compaoré l’a prouvé. Il est urgent que le peuple camerounais s’affranchisse d’un régime qui le retient en otage depuis 33 ans. Il y va de la liberté, de la paix et de l’avenir.

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© Correspondance : Hilaire Mbakop, Écrivain.Contact : www.hilairembakop.de.hm www.facebook.com/hilaire.mbakop

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