LETTRE OUVERTE AU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE : POUR UNE JUSTICE RÉPUBLICAINE, OUTIL INDISPENSABLE POUR LA RÉUSSITE
CAMEROUN :: POINT DE VUE

CAMEROUN :: LETTRE OUVERTE AU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE : POUR UNE JUSTICE RÉPUBLICAINE, OUTIL INDISPENSABLE POUR LA RÉUSSITE :: CAMEROON

Monsieur le Ministre

La justice républicaine est un outil indispensable pour la réussite. Il faut réconcilier notre justice avec la société camerounaise parce qu’elle ne répond pas à nos attentes. Pour ce faire, elle doit être équitable, efficace et rapide. Il en va de sa crédibilité. Il faut redonner ses titres de noblesse à notre système judiciaire pour renforcer son indépendance, reconstruire sa crédibilité et son efficacité. Notre justice doit respecter la personne humaine, en tenant compte des normes internationales.

Ainsi, le parquet, la brigade de gendarmerie, le commissariat de police doivent cesser de servir d’agence de recouvrement des dettes, ou de gestion des litiges civils. Les gardes à vue ne doivent plus n’être que l’exception et non la règle. Des organes de contrôle pour le respect des règles et lois en vigueur devront être crées. La torture que ce soit dans les centres de détention ou les commissariats devra être sévèrement punie par la loi.

Monsieur le Ministre,

LES PROCUREURS, LES BRIGADES DE GENDARMERIES, LES COMMISSARIATS DE POLICE SONT DEVENUS DES AGENTS PROFESSIONNELS DE RECOUVREMENT DES DETTES, DÈS QU’ILS ONT ÉTÉ CORROMPUS PAR LES SOI-DISANTS PLAIGNANTS !

Est-ce qu’il est normal qu’un vendredi, des policiers ou des gendarmes interpellent un citoyen, muni d’un « mandat d’amener » signé très souvent par un substitut du procureur, sur lequel on l’accuse (comme toujours) d’escroquerie et abus de confiance, parce qu’il doit de l’argent à un tiers. Ce substitut mentionne  par ailleurs dans son mandat qu’on entende le citoyen et qu’on le défère au parquet. Je tiens à souligner qu’un mandat d’amener est supposé être délivré quand le prévenu n’a pas daigné répondre aux convocations. Or il se trouve que notre citoyen n’en a jamais reçu et c’est tout étonné qu’il se retrouve dans cette situation stressante. De plus le Commissaire de police ou le Commandant de brigade a déjà signé la garde à vue contre ce citoyen avant de partir en weekend.

Ainsi pendant tout le weekend, le pauvre monsieur est soumis à une forte pression de l’enquêteur qui lui demande de payer sa soi-disant dette, même si vous ne reconnaissez pas les faits. De plus, et comme par hasard, le Commissaire de police ou le Commandant de brigade arrive lundi au bureau vers midi sachant très bien que la plus part des parquets ne reçoivent plus les gardés à vue à partir de 11H30. Le pauvre citoyen va ainsi passer la troisième nuit au commissariat ou à la brigade, et bien sûr on continue à l’intimider. Le mardi il est enfin déféré, mais il y passe toute la journée enfermé dans la cellule du parquet et, le soir venue, on le renvoi dans son lieu de détention d’origine avec la notation « SOIT FAIT RETOUR POUR COMPLÉMENT D’INFORMATION ». Et ce jeu, pas du tout amusant, continue pendant toute la semaine. Et c’est finalement le lundi suivant que le pire arrive. Sans même avoir rencontré une seule fois le procureur, un mandat de dépôt lui est assené sur sa tête.

VOUS ÊTES EN PRISON

Monsieur le Ministre,

La justice est rendue au nom du peuple camerounais, selon l’ancien député Jean Jacques Ékindi. Les procureurs et auxiliaires de justice sont supposés êtres des mandataires, chargés de rendre justice au nom du peuple. Ils sont supposés se soucier de l’opinion du peuple qui est leur mandant. Les procureurs et auxiliaires de justice doivent se conformer aux lois  de la République votées par les représentants du peuple siégeant au Parlement. Ils doivent également être en harmonie avec les valeurs morales et sociétales.

Monsieur le Ministre,
 
Votre justice est pourrie par la corruption du plus haut au plus bas au niveau. Je vous demande donc en toute citoyenneté de sévir contre cette manière de rendre justice qui n’honore pas notre pays. L’indépendance à l’égard des justiciables doit être réelle. Le renforcement de cette indépendance doit s’analyser à ce niveau en la répression systématique de la corruption dont la sanction serait la révocation systématique pour tout Magistrat convaincu sans préjudice des poursuites pénales. La mise en application des autres mécanismes classiques doit aussi être effective (récusation, prise à partie favoritisme, etc.)

Il faut asseoir un véritable système juridictionnel pénal accusatoire. A cet effet, il est question d’assurer le respect des dispositions du code de procédure pénale limitant les gardes à vues et les détentions préventives tant dans leur principe que dans leur durée. Il faut ainsi instaurer au niveau tant du parquet que du siège de chaque juridiction une permanence assurée pour un magistrat pouvant être saisi à toute heure avec obligation de décider dans les 24 heures de sa saisine.

En outre il doit être prévu, au-delà des sanctions administratives, des sanctions pénales pour toutes les autorités ayant porté atteinte aux libertés individuelles. En plus, je vous conseille  d’installer une Commission d’indemnisation des victimes des gardes à vues et détentions abusives, qui ne sont toujours pas en place plusieurs années après la promulgation du Code l’ayant instaurée. À ce niveau l’État doit en faciliter tant la saisine que la procédure et généraliser l’admission à l’indemnisation à toutes les irrégularités de détention et non plus en la simple déclaration de non culpabilité à l’issue de la procédure qui fragilise tout le débat sur les conditions formelles.

Monsieur le Ministre,

Si vous prenez en compte ce problème et avec tout le sérieux, et si vous suivez avec diligence mes recommandations, alors, vous resterez dans l’histoire comme ce Ministre de la justice le plus clairvoyant que notre pays ait jamais eu.

Très respectueusement

Fabien Assigana
Acteur sociopolitique

© Correspondance de : Fabien Assigana

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